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Julien Quentel

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cayenne
cayenne

cayennePauline Perplexe, Arcueil

l’instant, le seuil, le segment, l’unité
l’instant, le seuil, le segment, l’unité

l’instant, le seuil, le segment, l’unitéNight_time_story, Los Angeles

Wrapped/unwrapped
Wrapped/unwrapped

Wrapped/unwrappedZoo galerie, Nantes

shapes, angles, colors, volumes
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shapes, angles, colors, volumesMillefeuilles , Nantes

principalement mon travail provient de situations trouvées. En l’occurrence cayenne est un titre d’exposition trouvé à proximité du lieu d’exposition

julien quentel

je ne peux pas dire que je travaille sur le lieu d’exposition, comme on le dirait d’un travail in-situ, mais il ne demeure pas moins essentiel à ma réflexion

julien quentel

À propos de dump (2018-2024) de julien quentel et How to Levitate (2024) de Rodolphe Delaunay

La vidéo dump est un plan séquence, qui s’efforce à poursuivre une cétoine dorée au sein d’une colonie d’abeilles décimées. Le coléoptère aux couleurs irisées et aux effets métallisés, vautré sur le dos, zigzague par intermittence à travers les insectes étendues là. Sans véritablement de mouvement, à l’exception de la tenue de l’action principale au centre de l’image, le cadre vacillant au rythme de la respiration de l’artiste, la cétoine les pattes en l’air, semble exécuter ce qui d’un point de vue anthropomorphique ressemble à une sorte de gesticulation acrobatique, entre gymnastique amoureuse et jonglage macabre. En effet, le coléoptère en question, s’agite, accrochant au hasard de ces pattes dentelées, les abeilles gisantes à proximité. Une fois saisis, la cétoine, par un subtile jeu d’équilibre fait tournoyer les cadavres, un à un, passant en revue la tête, les ailes, l’abdomen et le reste, semblant nous présenter à la vue l’entièreté de l’insecte agrippé. On pourra d’ailleurs se demander d’un point de vue entomologique les raisons de ce comportement, la posture souhaitée ou subie de l’insecte agité ? La réponse par ailleurs scientifique à cette question est pour le moins déconcertante, tant elle est à rebours de ces projections supposées et trahit plutôt un comportement anormal. C’est d’ailleurs bien après avoir filmé ces images et après avoir supposé ces agissements, qu’un éclairage scientifique fut apporté au regard de cette séquence. La cétoine en question serait intoxiquée et aurait perdu le sens de l’orientation, d’où sa position sur le dos, et tout les efforts qu’elle accomplit en saisissant les abeilles serait la vaine tentative de se remettre sur ces pattes. Nous n’assistons plus alors à un spectacle d’arthropodes, spectacle burlesque mais à l’agonie d’un monde en perdition. Ce que l’on peut dire c’est que cette vidéo a été captée par julien quentel, artiste pratiquant principalement la sculpture. Ce qui nous retient ici est la qualité sculpturale de la scène. La cétoine en exécutant ces contorsions fait tournoyer au-dessus de son abdomen les abeilles sans vies, les faisant passer du haut vers le bas et de la droite vers la gauche, ce qui d’un point de vue purement sculptural revient à voir la face, le profil et le dos sans avoir à en faire le tour, une sorte de Lichtrequisit (modulateur espace-lumière) de László Moholy-Nagy, sculpture cinétique tournoyant sur son axe et projetant alentour ses ombres tramées.

Cette projection prenait place sous la mezzanine, partie attenante à l’espace principal, séparée du reste de l’exposition. Les choses posées là, sans hiérarchie distincte, entre cadres en bois, rouleaux de papier et autres matériels d’atelier, laissaient deviner la mise au rencart d’une activité délaissée, le lieu de la remise. L’ensemble conférait à la projection une sorte de prolongement de l’image, comme si le hors-champ se trouvait ici convoqué, voire fabriqué. En effet les matériaux entassés là, chus sur les pourtours de l’image, s’éclairaient de la projection lumineuse et scintillaient à l’unisson des mouvements de la cétoine. Le tout produisant une sorte de captivation hypnotique, conférant à l’ensemble la subtile présence d’un travail vidéographique ayant trouvé sa place ici, donc situé.

Se retournant pour voir le reste de l’accrochage, on pouvait découvrir une autre vidéo, How to Levitate de Rodolphe Delaunay, présentée sur un écran plat à trépied d’une technologie périmée, simplement placé au sol ou plus exactement sur une bâche de protection étalée là par julien quentel. L’écran diffusait la compilation d’une centaine de vidéo glanées sur youtube, postées à une époque encore émergeante du média social, d’un tour de magie répondant au nom sibyllin de Balducci levitation. En effet, le programme enchaine de manière systématique dans la plupart des situations, les mêmes plans, les mêmes mises en scène, quasiment de la même durée, la fameuse lévitation. Un truc somme toute plutôt simple à réaliser entre copains, en famille ou au bureau qui nécessite un point de vue unique sur le protagoniste de la scène, en pleine ascension. La compilation des vidéos postées il y a une quinzaine d’années laissent voir de manière improvisée, de la pose déjeuner à la solitude de la chambre d’adolescent, les tentatives plus ou moins réussies du tour en question. Après avoir pris quelques précautions avec le placement de la caméra, les protagonistes de Balducci semblent léviter de quelques centimètres au-dessus du sol pendant quelques secondes pas plus, parfois feignant un effort extrême afin de s’extirper de la gravité terrestre. Après le retour des pieds joints au sol, le tour est définitivement complet. Cela implique que le plan de l’image soit systématiquement focalisé sur l’écart opéré entre le sol et les talons du performeur, de la performeuse, induisant ainsi une vision en plongée sur l’évènement.

Là encore la mise en scène de cette séquence vidéo et de son appareillage laisse transparaître une volonté de faire sculpture. Car ce que nous avons de commun, nous regardeurs avec les producteurs de ces vidéos est ce point de vue en plongée sur l’évènement. Une sorte d’image dans l’image, comme le redoublement de l’acte de regarder dans la profondeur de l’écran. Et cette expérience pourrait s’en tenir là, si nous spectateur ne vérifions pas, comme Brian O’Doherty dans son ouvrage Inside the White Cube nous le suggère d’aller constater par nous-même ce qui se trame par derrière. Ainsi simple œil flanqué sur nos deux jambes, nous découvrons, sans surprise que derrière l’écran, disparaît l’image, et ne reste que le dispositif, rectangle noir perché au-dessus du sol, et que finalement la découverte du revers de l’appareil, nous impose un point de vue unique et frontal sur l’œuvre ; tel St Mathieu, sculpture de Michel-Ange, qui peine à s’extraire de son bloc de marbre. Ce chef d’œuvre inachevé, conçu comme un relief, n’a été traité par Michel-Ange que d’un seul côté, libérant progressivement la figure de la pierre et dont le revers présente grossièrement le bloc de marbre intact. Ainsi la qualité du dispositif de Delaunay réside d’autant plus dans le fait que l’image, cet artifice, redondance s’il en est de la rouerie du tour de magie, est ici interrogé par la facture prosaïque de l’appareillage.

Rodolphe Delaunay et julien quentel réussissent à nous mettre face à l’expérience du regard, favorisant les allers-retours entre l’image, le dispositif et la spatialisation de leurs vidéos. Ils nous permettent ainsi de sonder la prégnance du dispositif, tout en nous invitant à nous émanciper de la tentation trop forte d’une fascination visuelle. En somme un regard de sculpteurs sur des images en mouvement.

cayenne

J’aimerais ne pas enfermer cette exposition dans une quelconque humeur à travers mes mots. Je déteste ça, ces textes d’exposition ampoulés d’émotions, qui surjouent avec force d’effets ce qui devrait se jouer ailleurs. Je déteste ça presque autant que quand on me dit ce qu’il faut voir, ou plutôt, ce qu’il faut comprendre à travers ce je que je vois – comme ci c’était ça la question, ou l’enjeu, bref, le but à atteindre.

On peut donc s’en tenir à quelques informations stables : l’exposition s’intitule Cayenne : c’est le nom de la chienne du garagiste, juste à côté de la maison. C’est aussi le nom d’une ville, d’une voiture de luxe et d’un piment. Quatre sculptures, de nature et d’échelle différentes y sont installées. Elles ne semblent pas entretenir de relations particulières avec les éléments listés ci-dessus, mais s’il vous prend l’envie d’en faire émerger, personne ne vous jugera. Sans trop entrer dans les détails, vous remarquerez que l’espace (le lieu dans sa globalité, ce qui lie ou éloigne les pièces entre elles, ou avec nous) a été traité avec considération – c’est un aspect non négligeable de la pratique de l’artiste. Pour le reste, j’aime que ses pièces mettent toujours en échec ce que l’on pourrait vouloir en dire. Cela tient à leur relative pauvreté je crois. Au fait qu’elles se donnent à voir sans aucun artifice, mais peut-être pas sans pudeur.

Je ne souhaite pas laisser ma lecture contaminer la fin de ce texte, mais il est évident que dans cet équilibre, quelque chose me bouleverse.

Franck Balland

dossier de presse de l'exposition cayenne présentée à Pauline Perplexe, Arcueil du 10 juin au 11 juillet 2022

La pratique de Julien Quentel s’attache plus au dénuement des objets qu’à leur côté séducteur, l’artiste se préoccupant plus de révéler par de subtils traitements et déplacements, parfois à la limite du visible, leurs qualités intrinsèques, quand il ne se s’avise pas de faire macérer dans la Loire de vrais faux sacs Hermès : Hermès retrouvé fait autant référence à la mythologie dont on aurait retrouvé le chemin qu’à la marque qui a définitivement pris le pas sur l’épopée. De même, le vermillon de sa shoebox in red vermillon n’apparaît que si on la retourne : à l’instar des célèbres escarpins dont on ne devine la couleur qu’à la faveur d’un pied qui se lève, le rouge reste ici confiné dans un secret que seul le langage trahit. Le vrai luxe c’est de pouvoir s’abriter derrière le verbe. Les pièces de Julien Quentel, comme cette autre boîte fabriquée à la main par l’artiste qui épouse la forme d’une vraie boîte«manufacturée» (shoebox made by hand), empruntent au langage pour subtilement signifier la rouerie de ce dernier et sa non adhérence à la chose : ceci n’est pas une boîte de chaussures.

Patrice Joly

mon travail se situe dans ce moment furtif où la chose n’existant pas encore passe au statut de déjà fini

julien quentel

The concrete world, the eternal idea

 

Déjà présenté l’année dernière à Zoo galerie dans l’exposition collective wrapped / unwrapped où il avait présenté plusieurs pièces, Julien Quentel revient cette année en solo à Zoo galerie où il occupera l’ensemble de la galerie et du patio de Delrue.

La pratique de Julien Quentel s’attache plus au dénuement des objets qu’à leur côté séducteur, l’artiste s’ingéniant à révéler par de subtils traitements et déplacements, parfois à la limite du visible, des directions inattendues. Une des trois pièces présentées l’année dernière, Hermès retrouvé, faisait autant référence à une mythologie disparue qu’à sa récupération par une célèbre marque d’accessoires, croisant discrètement, grâce à l’usage de l’adjectif retrouvé, l’orbite proustienne : cette pièce résumait la « méthode » Quentel qui suggère un récit complexe concernant les œuvres qu’il élabore, inversement proportionnel à la longueur de leur titre, révélant l’ampleur insoupçonnée de leur construction, soit une espèce de « storytelling de l’objet ».  Sa Shoebox in Red Vermillon participait du même principe, les titres de ses pièces font penser à des titres de livres, ils esquissent des histoires énigmatiques et se moquent au passage des marqueurs de la mode : le vermillon de la boîte de chaussure dont il est question renvoie aux fameux souliers dont s’affublent les stars lorsqu’elles arpentent la célèbre moquette lors des jours de festival, mais le rouge de la boîte de l’artiste reste invisible, à l’état de fantasme visuel —contrairement aux dessous des escarpins qui doivent apparaître par intermittence pour mieux exciter la foule des commentateurs— il reste ici confiné dans un secret que seul le langage trahit. Le vrai luxe c’est de pouvoir s’abriter derrière le verbe. En revanche pour l’exposition à Zoo galerie, et comme pour contredire tout ce qui a été dit auparavant, les pièces exposées ne portent pas de titre, l’artiste voulant déjouer cette destination précise, trop précise, qu’assigne un titre à une œuvre. Cela fait partie d’une réflexion sur le statut des œuvres que nous avions déjà évoquée dans l’exposition wrapped/unwrapped avec l’idée que ces dernières ne sont jamais complètement achevées, qu’elles sont toujours en transit, que ce qui est montré dans une exposition n’est que l’état d’une pièce ou d’une réflexion artistique à un instant t (partant aussi du constat que la majeure partie de sa « vie », l’œuvre d’art, si elle n’est pas achetée et déployée sur le mur d’un collectionneur ou la cimaise d’une collection permanente, restera emballée dans du bullpack et stockée dans une réserve…). Cela n’empêche que les nouvelles pièces de The Concrete World, spécialement produites pour l’occasion, prolongent cette idée de récit induit par leur forme et leur charge d’objets du quotidien, et qu’une modification mineure, un ajout, une repeinte, une « rigidification » peut soudainement transformer leur destination première, les métaboliser différemment. Ainsi de ce tuyau d’arrosage jaune « verticalisé », arrêté brutalement à 10 cm du sol, suspendu en plein vol donc, il devient dès lors la mesure du lieu, souligne son volume, sa hauteur, comme une espèce de gabarit poétique de l’espace ; ou encore cet alignement de valises jumelles, fichées d’une ampoule LED au beau milieu de leurs chromes et dont la lumière vient jouer avec le cerclage métallique, comme d’improbables luminaires… Parfois, ce sont des flacons fichés dans le mur ou le sol qui semblent venir désorienter l’espace, le reconfigurer, tels des panneaux indicateurs insolites, objets soudainement tirés de leur inanition. Quant au lit de camp accroché à une colonne de la galerie : défi à la pesanteur, désir de hamac ? Tout ce que l’on peut dire c’est que Julien Quentel n’aime pas tellement la prédestination des objets qu’il s’empresse de démanteler.

L’artiste ne parle pas d’installation à propos de ses œuvres, il préfère dire qu’elles créent des situations, renvoyant de fait à un langage cinématographique, à un scénario non stabilisé, capable d’évoluer à tout moment. Les œuvres de Julien Quentel viennent littéralement resituer un lieu, lui donner une nouvelle orientation, et quand bien même elles ne portent plus ces titres si chargés de récit potentiel, elles n’en demeurent pas moins pleines de sens et de « contresens », histoire de ne pas se laisser abuser par les apparences.

Patrice Joly

dossier de presse de l'exposition The concrete world, the eternal idea, présentée à zoo galerie du 26 septembre au 27 octobre 2018

l'instant, le seuil, le segment, l'unité

Les tubes
seuils de l’espace,
laisse-moi traverser
me le permettras-tu ?

Autorise le moi
Est-ce la bonne distance ?

C’est une distance
devant laquelle je suis
la sculpture est-elle encore et plus que jamais une question de frontalité ?
Et Los Angeles,
A quoi ressembles-tu maintenant ?

pièces de monnaie, jetons, rondelles, boutons de pantalons,
tous ces restes laissés,
considèrons les, Ici, je suis
Existe-t-il une relation entre équilibre et précarité ?

De quel côté de la ligne suis-je ?
suis-je capable de marcher en ligne droite ?
la circulation de l’argent a-t-elle à voir avec la circularité des pièces de monnaie ?
la valeur d’échange,
la transaction,
la croyance en
l’objet d’art
des boutons de pantalon comme des rondelles comme des jetons comme des pièces de monnaie comme

L’espace comme l’appareil photographique
la photographie et la sculpture
déja ensemble

l’analogie,
la fenêtre, le diaphragme,
la porte, le capteur
Basiquement, les objets sont placés près de la fenêtre,
les tubes à l’entrée des pièces

Les chaussures appartiennent à l’homme et à la femme, ensemble
l’os du poulet,
le ballon du basketteur,
la combinaison de plongée suit la ligne de flottaison,
mes pensées

les mêmes objets en des lieux différents affirment la répétition,
Et qu’en est-il du faux-raccord ?

différents moments, je pensais,
l’unité,
questionné par la photographie,
questionnant le photographique

l’émergence de l’œuvre
la dégradation de l’espace

l’instant,
le seuil,
le segment,
l’unité

julieen quentl

texte introductif à l'exposition l'instant, le seuil, le segment, l'unité, à NightTimeStory, Los Angeles, USA du 5 septembre au 30 septembre 2021

shapes, angles, colors, volumes

C’est l’organique de nos corps qui parle ce langage plastique et non pas une pousse de l’intellect, et coexiste une nourriture spirituelle du corps, et elle désir la paix, le paisible  et la simplicité de l’acte de création et de réception. La poétique est là, dans des résidus et des actes simples. Le minimal est conquérant dans le choix de ces œuvres et peut-être même la sécheresse, c’est intéressant la sécheresse dans ce travail, une sécheresse qui bavarde tranquillement, voilà ce que je vois aujourd’hui. Il y a des peintures d’eau verte et comme un rideau de douche, ce n’est pas vraiment la sécheresse non plus, il y a des oranges, c’est peut-être un calme oasien où l’on vaque et ponce un tube de métal.

Gaël Derrien

texte introductif à l'exposition shapes, angles, colors, volumes de julien quentel et gaël derrien

les objets renferment parfois en eux une puissance sourde. Sourde pour le bon usage. C’est viscéral chez moi, mais je ne peux me résoudre à utiliser ces objets tels qu’ils se présentent à moi

julien quentel

j'éprouve une certaine fascination par les chaussures. J'aime l'idée que c'est la sculpture idéale

julien quentel

Julien Quentel / Rodolphe Delaunay