Artistes
Aude Robert : born 1978 in Besançon, lives and works in Saint-Nazaire.
Solo exhibitions
2018
- « », Dessin et vidéo, La galerie du Haut pavé, Paris
2017
- «Exocoetidae», OuOùOuh, Lieu d’actions artistiques, Ingrandes-Le-Fresne/Loire
- «Videoproject», OuOùOuh, CHU d’Angers, Ingrandes-Le-Fresne/Loire, Angers
2015
- «Recto/verso», Fondation Louis Vuitton, Paris
2008
- « Pretend», Atelier Alain Lebras, Nantes
2004
- «Détachement», centre commercial «La Toison d’Or», Dijon
Group exhibitions
2018
- «Objects in the mirror are closer than they appear», Installation vidéo, dessins, projet d’exposition avec l’artiste Caroline Molusson, Galerie Olivier Meyer, Le temple du goût, Nantes
2017
- «La maison rose», Association Open it, Nantes
2015
- «Jungle domestique», invitation de l’association Mire, carte blanche Fabrique au Jardin C - la Fabrique, Nantes
- «La jeune galerie», Paris
2014
- «Intéresser l’absent», Maison Jean Chevolleau, Fontenay-le-Comte (85)
2013
- «( )», aux ateliers partagés de Pirmil, Nantes
- «C’est la fête», 96 rue du Pontereau, Nantes
- «Première mesure de la parallaxe d’une étoile», Ateliers Felix Thomas, Nantes
Residencies
2017
- « OuOùOuh, », Lieu d’actions artistiques, Ingrandes Le Fresne/Loire
2016
- «Collectif Blast», Angers Mise à disposition de l’espace de «la cabine»
2014
- «Parcours contemporain / Résidence d’artiste», Fontenay le Comte Avec le soutien de la DRAC des Pays de la Loire
- «Atelier Alain Lebras», Nantes
Grants, awards
2015
- Allocation d’installation d’atelier et d’achat de matériel, DRAC des Pays de la Loire
2003
- «Passeport pour l’Europe» (ENSA Dijon)
Publications, broadcasts
2006
- « Equilibre», Diffusion : Nantes Diptyque vidéo, diffusion vidéo sur panneaux d’af chage urbain.
2016
- « Entracte #21», Diffusion : Dessins d’eaux, PAD - espace ressource, Angers Invitation du collectif Blast
2008
- « Précipitation», Diffusion : Beijing, Chine Troisième édition du festival du lm indépendant de Beijing Ecran-test, Association Mire, Nantes. Deux conférences suivies de projections de films vidéo et cinéma (travaux antérieurs et recherches d’images en mouvement)
2007
- «Equilibre», Diffusion : festival «Premiers plans», Angers Sélection «Haïku festival», Vidéozarts
2006
- «Equilibre», Diffusion : festival «Scopitone», Nantes Sélection «Haïku festival», Vidéozarts
2015
- «Catalogue de l’exposition collective Jungle domestique »
2010
- «Donner lieu», Photomontage, webrevue «Runbook», janvier 2010
2008
- « Catalogue de la programmation de la troisième édition du festival du film indépendant de Beijing », Présentation de la vidéo «Précipitation», au sein du programme de lm d’artistes.
2005
- «Catalogue DVD, L’Office», Dijon Edition d’un catalogue monographique DVD dans le cadre de l’attribution de la bourse «Passeport pour l’Europe», tirage à 3000 exemplaires
2007
- «Donner lieu», collectif LAURA, Tours Photomontage, revue LAURA, mars 2007 - octobre 2007 / LAURA n°3
Workshops, teaching
Janvier-mars 2016
- Lycée polyvalent Joubert Maillard, Ancenis Artiste intervenante, dans le cadre d’un PAE «Les jeunes s’exposent», pour la MLDS (Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire)
Printemps 2015
- Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole, Nantes Artiste intervenante, cours publics adaptés en langue des signes française
Janvier-octobre 2010
- Les amis du bon cinéma ABC 49, Mûrs-Erigné Vidéaste intervenante et coordinatrice d’un atelier de création vidéo
Septembre 2008- juin 2009
- Collège Notre-Dame, La Montagne Artiste intervenante, dispositif plasticien au collège, Conseil départemental de Loire Atlantique et rectorat de Nantes
Education, training
1998-2003
- DNSEP, option Art, obtenu avec mention sous la direction de Philippe Cazal et Didier Marcel. «Normal A Normal» Installation vidéo, média mixtes, Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon.
2010
- «Projection cinéma numérique», AFOMAV, Paris (formation)
2007- 2009
- «Cours municipal de botanique», Jardin des plantes, Nantes
2008
- CAP opérateur projectionniste de cinéma, Académie de Nantes
2007
- «du dessin technique à la main à la CAO», Institut Supérieur des Techniques du spectacle Avignon (formation)
Other
2010
- Réalisation de film : Les Indiens Shipibos, San Francisco, Ucayali, Pérou Co-réalisation d’un moyen métrage super 8 et vidéo.
2007
- Réalisation de film : Mr Kapet de Bana, Commémoration de l’abolition de l’esclavage, Nantes Enregistrement vidéo d’une conférence pour l’association «Afrique promo culture».
2003
- Réalisation de film : Lumières, Festival «I love Dijon», Dijon Enregistrement vidéo pour le concert performance du compositeur Pierre Henry.
2000
- Réalisation de film : Le vote de Barbirey, Les jardins de Barbirey, Barbirey Attachée de projet pour l’artiste Jochen Gerz, interview, enregistrement vidéo et son.
Le parcours artistique dans lequel je suis engagée depuis quelques années est souvent irrigué par des images qui portent en elles leurs propres entités. Même si elles sont constituées de bribes visuelles évoquant des territoires, des paysages, des visions issues de ma propre histoire et des sentiers parcourus avant même que d’envisager d’être artiste, elles s’imbriquent les unes aux autres pour constituer un flux narratif en mouvement constant et presque irrévocable.
Je mène une expérimentation artistique qui tend à mettre en résonnance dessin, projection, ligne, mouvement et vibrations sonores et lumineuses.
Visite d’atelier
La visite commence par une image de bord de mer en noir et blanc, format carte postale, imprimée sur Rhodoïd accrochée au mur, près de la porte d’entrée. Une photographie transparente, utilisée comme simple matériau afn, par projection, de détourer des formes.
Un peu plus loin, on peut voir un rétroprojecteur éteint, posé au sol, en attente d’un geste, devant lequel est installé une grande feuille de papier blanc fixée au mur, support d’un dessin en cours. Aude Robert pratique le dessin. Elle trace des contours à partir de ses photographies projetées d’éléments naturels, images de balades en forêt ou dans les marais. Elle cherche à dessiner la lumière et questionne la transparence à travers ses multiples usages. Pour ce faire, elle va utiliser des « espèces de lentilles » qui vont s’interposer entre l’image transparente et la projection : alternativement, un verre plat en dessous, pour laisser passer la lumière et un verre-objet posé dessus pour la difracter. Elle crée elle-même ses lentilles dans l’atelier d’un maître verrier où elle a appris à souffler le verre.
En lieu et place du pigment traditionnel, Moholy-Nagy revendique la lumière comme nouveau matériau. Man Ray collectionne les procédures techniques de « transparences » : le photogramme, rebaptisé rayogramme, la sérigraphie sur papier ou sur verre, « les verres » tels L’impossibilité ou A quoi rêvent les jeunes ? Aude Robert a recours à des objets de verre pour renforcer l’impression de difraction, d’émiettement et de pulvérisation de la lumière. L’usage du verre, son pouvoir réfecteur, ses qualités, font qu’apparaissent des fssures, des brisures, des éclats morcelés. Diférents éléments, ciel, terre, feuillages, s’interpénètrent. Alliées aux photographies projetées, les images de nature sont ainsi déformées, redoublées, démultipliées et jouent sur les possibles apparitions de fgures lumineuses spectrales patiemment détourées à la mine de plomb. Spectres, trainées lumineuses et dansantes, ombres mouvantes qui bondissent et rebondissent, les refets fragmentés et difractés se propagent comme un kaléidoscope à grand échelle.
Le verre est un matériau particulier, combinant résistance, densité et invisibilité, il permet l’alliance du matériel et de l’immatériel. Et c’est précisément à travers les verre-bocaux, facons, lentilles que la forme intervient. Sur une grande table, devant la longue fenêtre de l’atelier sont disposés une collection de pièces en verre. Tout se passe ici comme si on se trouvait renvoyé à la source et à l’origine de cette matière, créée de concrétions siliceuses de sable et d’une chaleur similaire à celle dégagée par un volcan. Agrégat, matière transformable, illustrant la puissance tellurique des forces créatrices à l’oeuvre dans la nature, le verre est devenu matière. Cristalline, mais fragile. Destructible. Il faut insister sur la dimension cristalline et conceptuelle du verre, lequel fonctionne, à ce titre, comme l’une des métaphores privilégiées de la pensée.
Les dernières expérimentations de l’artiste sont des prototypes de verre soufé, d’ellipses à l’intérieur de bulles. Comme dans les intersections de bulles de pâtes à ballon, le phénomène de la boucle se retrouve à diférentes échelles, développé avec diférents médiums. Aude Robert fait jouer ensemble l’eau, le verre et la lumière. Dans l’espace de recherche qu’est l’atelier, ces installations mêlent dessins, cercles et bulles de verre dans un jeu d’équilibre, de pleins et de vides habilement composés.
Capturer la lumière et matérialiser le son, l’oeuvre de Philippe Parreno ressemble en négatif aux dispositifs visuels inventés par Aude Robert. Dans une salle dédiée, à la Fondation Luma cet été, il présente Dany/No more reality. La pièce est un organisme vivant qui abrite de la matière inanimée et des processus mécanisés coordonnés et contrôlés par la technologie algorithmique. Dans un petit bassin d’eau noire, creusé dans le sol, à l’angle de la salle, vibre une onde à la fois sonore et visuelle à la surface du liquide. L’opacité de l’eau ne prend forme que pour matérialiser l’impact éphémère du son à la surface. Onde sonore et visuelle, la vibration résulte d’un dispositif caché au fond de l’eau qui par son énergie se déplace de la profondeur vers la surface pour ensuite disparaître sur les bords. Les cercles concentriques s’efacent dans l’attente du prochain impact.
A l’instar de l’oeuvre de Philippe Parreno, chez qui la perception sonore survient à diférents degrés d’intensité, la question de l’échelle se joue pour Aude Robert dans les cartographies dessinées, les espaces entre les éléments, les respirations, qui font hésiter entre vue microscopique et vue du ciel. Que l’on regarde à l’intérieur de la forme, qui est déjà une mise en abyme de cette même forme, ou à l’échelle du monde, le paysage est contenu dans la matière même. L’amplitude des fractales se répète dans la structure de la pierre et se retrouve, dans le dessin de la côte.
Quand Aude Robert va chercher les détails d’un paysage, elle part du « macro » – photos agrandies de feuilles, de fossés, de terriers – et se rend disponible à l’errance dans une forme de lenteur puis recompose l’espace en atelier pour donner des visions à diférentes échelles jusqu’à l’infniment grand, des points de vue de la terre vue du ciel. Par le jeu des dimensions, des perspectives et des réductions d’échelles, elle trouble les perceptions ; aux murs sont accrochés les grands dessins, Projection [12 éléments] sur lesquels des formes tracées à la mine de plomb, parfois légèrement aquarellées, se dévoilent et disparaissent. Aude Robert redéfnit la géographie pour produire des compositions aux limites insaisissables. Entre les sculptures, les dessins, les écrans vidéo et les projections lumineuses, tout un monde se déploie aussi dans les interstices, les intervalles. Elle établit des vases communicants entre les espaces et les matériaux.
La sculpture répond aux dessins, elle vient du dessin. Dessiner pour Aude Robert, c’est opérer un acte de pensée, revenir sur les lieux de la réfexion, voyager sur place dans le temps de ses idées.
Machinerie à la fois physique et mentale, chambre de mémoire, son travail n’est pas sans rappeler les dessins noirs de la série Intranquillity de Tatiana Trouvé. « Le jour où l’on comprend que le propos de Tatiana Trouvé consiste à donner de la chair à des images, des pensées, des souvenirs qui errent dans la mémoire, l’ensemble de son travail devient d’une limpidité totale. »1
Chez Marcel Duchamp, cette recherche a trouvé sa formulation dans le concept d’Inframince. Mener cette recherche revient à capturer le temps, un temps qui se déplace à la vitesse de la lumière. « Sculpter le temps », c’est la défnition que donne Bill Viola de son travail dans une note de son journal en 1989. Aude Robert dans ses vidéos Dessins d’eaux aime aussi le faire durer, le ralentir, le répéter, l’accélérer à tel point, qu’elle oblige le spectateur à fxer attentivement l’image pour en saisir l’évolution. L’eau flmée, répétée, mise en boucle, semble se comporter, formellement parlant, comme la lumière à la surface d’un écran. Elle est aussi l’environnement physique dans lequel les formes plongent, fottent, et disparaissent.
Les pièces dans l’atelier sont en ce sens l’équivalent formel d’espaces psychiques : espaces des attentes et des réminiscences, ils envisagent à chaque fois la forme et l’opération générale de la mémoire. L’artiste imagine et construit un espace de réfexion et de concentration dont les cartes sont la matrice.
Son intérêt pour les cartes viendrait aussi, confe-t-elle, des « dessins de pédagogie », cartes tracées par Lân, son professeur à l’école du Cirque Plume, sortes de cartes mentales, esquissées sur de grandes feuilles de papier afn de faire un plan dans l’espace du cours, qui permettait de relier les éléments les uns aux autres. Ainsi, aux Beaux-Arts de Dijon, son médium était le cirque, dans un corps de clown, jongleuse et équilibriste. Mais l’expérience des cartes lui vient surtout de ses voyages. En Australie, elle va s’intéresser au parcours des cartes chantées, les « Song Lines », des aborigènes d’Australie. Au Pérou, pour un projet de flm super 8, elle va accompagner Angeline Bichon et flmer un récit en images d’une cérémonie de cartes chantées en forêt Amazonienne, reprise des visions du peintre Pablo Amaringo.
Elle prépare actuellement une résidence d’un mois en Islande au centre d’art Skaftfell de Seydisfjördur. Son projet est d’aller à la poursuite des aurores boréales dont elle veut capturer la lumière par le dessin, la photographie, le cyanotype ou la vidéo. Elle ne craint ni l’hiver, ni la neige. Avant elle, Stéphanie Solinas a arpenté les mêmes terres. Le pourquoi pas ? explore les mondes invisibles, dans l’héritage de la tentative du commandant Charcot de cartographier respectivement le paysage physique et le paysage cérébral. Le Pourquoi pas ? est un ensemble de pièces organisées en archipel. Son principe élémentaire est le renversement. En Islande, dans les champs de lave spécifquement identifés comme lieu de résidence d’elfes, Solinas a inséré du papier photosensible dans les fssures des rochers une manière pour elle d’accéder, par le moyen de la lumière, aux réalités invisibles, « excursions cérébrales », renversement de l’île Islandaise devenant cerveau pour arpenter les territoires de la pensée, les gens cachés, les forces telluriques.
Aux marges, c’est-à-dire à travers un territoire infniment étendu, cheminent d’innombrables peuples sur lesquels nous en savons trop peu. Aude Robert, aux confns de notre terre, en Islande va chercher un éclat solaire pour rapporter une histoire racontable, la lumière d’un « peuple-luciole »2 au milieu de la nuit de l’hiver austral. Et c’est ce qu’Hannah Arendt, dans son éloge posthume de Walter Benjamin, a voulu évoquer en disant que, plus un phénomène est ténu, discret, minoritaire voire minuscule (et cela vaudrait pour la lumière elle-même), plus il est porteur de temps. Benjamin avait une passion pour les petites choses, pour lui, plus l’objet était petit, plus il semblait susceptible de contenir, sous la forme la plus concentrée, tout le reste…
« Comme le pêcheur de perles qui va au fond de la mer, non pour l’excaver et l’amener à la lumière du jour, mais pour arracher dans la profondeur le riche et l’étrange, perles et coraux, et les porter comme fragments, à la surface du jour, il plonge dans les profondeurs du passé, mais non pour le ranimer tel qu’il fut et contribuer au renouvellement d’époques mortes. Ce guide, ce penser est la conviction que s’il est bien vrai que le vivant succombe aux ravages du temps, le processus de décomposition est simultanément processus de cristallisation ; que dans l’abri de la mer – l’élément lui-même non historique auquel doit retomber tout ce qui dans l’histoire est venu et devenu – naissent de nouvelles formes et confgurations cristallisées qui, rendues invulnérables aux éléments, survivent et attendent seulement le pêcheur de perles qui les portera au jour : comme « éclats de pensée » ou bien aussi comme immortels. »3
Aude Robert va traverser tous les états de la lumière pour trouver un récit capable de transmettre une expérience à autrui, elle nous met dans l’attente de ses images surgies dans la nuit, images-lueurs car porteuses de liberté, comme autant d’étoiles dans le ciel, de « lucioles » dans les sous-bois, ou de « perles » au fond de la mer.
Août, 2021
Hélène Benzacar
1. Catherine FRANCBLIN, Artpress n°313, 2005.
2. Georges DIDI-HUBERMAN, Survivance des lucioles, Éditions de Minuit, Paris, 2009, p. 134
3. Hannah ARENDT, Walter Benjamin, 1892-1940, Vies politiques, Paris, 6ème édition 2014, Gallimard, p.305-306