Artistes
Julie Maquet : born 1990 in Angers, lives in Nantes, works in Nantes.
Germes, 2023vues de l’exposition "Woods", Moulin-Gautron, Vertou, 2023 © Adagp, Paris, 2024
En fleur, 2023vues de l’exposition "Nuit Blanche Mayenne", 9ème édition, Crypte archéologique du Musée du Château, Mayenne, 2021 © Adagp, Paris, 2024
Ronces, 2023vues dans le cube en verre du parvis du Musée d’Arts, Nantes, 2023 © Adagp, Paris, 2024
Flash, 2022Vues dans l’atelier de la Casa de Velázquez, 2022. © Adagp, Paris, 2023
Fines lames, 2022vues de l’exposition "Le soleil se lève tous les jours", Site-Saint-Sauveur, Rocheservière, 2022 © Adagp, Paris, 2024
Des voies, 2022vues de l’exposition "Le soleil se lève tous les jours", Site-Saint-Sauveur, Rocheservière, 2022 © Adagp, Paris, 2024
Twins, 2022vues de l’exposition "Géantes", Centre des Arts André Malraux, Douarnenez, 2024 © Adagp, Paris, 2024
Poupées, 2021vues de l’exposition "Ça ne m’intéresse pas, la nostalgie d’un monde que j’habite déjà", exposition des lauréate.s du Prix des Arts Visuels de la Ville de Nantes, l’Atelier, Nantes, 2021 © Adagp, Paris, 2024
Bodies, bodies and bodies, 2021vues de l’exposition "Poly-m", Centre d’Art Contemporain de Pontmain, 2021, avec au mur une œuvre de Keita Mori. © Adagp, Paris, 2024
Ghosts, 2019vues de l’exposition "After Summer", Abbaye de Saint-Florent-le-Vieil, Mauges-sur-Loire, 2021 © Adagp, Paris, 2024
Mûres, malades ou mortes, 2019vues de l’exposition "Nov’Art" , l’Engrenage-moulin de Villevêque, 2022, et de l’exposition Dans le corps d’un être vivant, Maison des Arts de Saint-Herblain, 2019 © Adagp, Paris, 2024
Sur la toile, 2018vues de l’exposition "Woods", Moulin-Gautron, Vertou, 2023 © Adagp, Paris, 2024
Ravage, 2018vues de l’exposition "Il y avait des oiseaux, des plantes, des rochers et des choses", Orangerie du Château de la Louvière, Montluçon, 2018 © Adagp, Paris, 2024
Stalagmites, 2018vues de l’exposition "After Summer", Abbaye de Saint-Florent-le Vieil, Mauges-sur-Loire, 2021 © Adagp, Paris, 2024
Conques, 2017vues de l’exposition "Art, Villes et Paysage", les Hortillonnages, Amiens, 2017 © Adagp, Paris, 2024
Sacs, 2015vues de l’exposition "Pas de petites bêtes, dans ces grands bois", Ateliers de la Ville en Bois, Nantes, 2018 © Adagp, Paris, 2024
Cadavre, 2015© Adagp, Paris, 2024
Grappe, 2015vues de l’exposition "Woods", Moulin-Gautron, Vertou, 2023 © Adagp, Paris, 2024
Fourrure, 2013vues de l’exposition "Locus Solus/HocusPocus", Musée Joseph Denais, Beaufort-en-Vallée, 2013 © Adagp, Paris, 2024
Solo exhibitions
2024
- «Géantes», Centre des Arts André Malraux, du 03/02 au 31/03, Douarnenez
2023/2024
- «Woods», Moulin Gautron, du 09/12/2023 au 21/01/2024, Vertou
- «Ronces», cube en verre du parvis du Musée d’Arts, du 01/03/2023 au 07/01/2024, Nantes
2023
- «Flash», Rue sur Vitrine, du 18/10 au 31/10, Esad TALM-Angers, Angers
2021
- «After Summer», Abbaye de Saint Florent le Vieil, du 18/09 au 07/11, Mauges-sur-Loire. Avec un catalogue d'exposition
2019
- «Dans le corps d’un être vivant», Maison des Arts de Saint-Herblain, du 27/03 au 15/05, Saint-Herblain
2018
- «Pas de petites bêtes, dans ces grands bois», Ateliers de la Ville en Bois, du 27/10 au 03/11 Nantes
- «Il y avait des plantes, des oiseaux, des rochers et des choses », Orangerie du château de la Louvière, du 13/10 au 04/11, Montluçon. Avec le soutien de la Drac Auvergne et un catalogue d’exposition
2017
- «Ambiguïtés», La Colombière, du 16/09 au 17/09, Gennes-Val-de-Loire. Partenariat entre la Fondation Marquise de Narros – Institut de France et la Mission Val de Loire
- «Le Bain», Théâtre le Quai - Centre Dramatique National, du 28/02 au 30/03, Angers Partenariat avec l’Esad TALM-Angers
Group exhibitions
2023
- «Nuit Blanche Mayenne», Le Kiosque, Crypte du Musée du Château de Mayenne, le 07/10, Mayenne
- «Itinerancia», Open School Galerie, École des Beaux-Arts de Nantes, du 13/04 au 31/05, Nantes. Partenariat entre le Département de Loire-Atlantique et la Casa de Velázquez
- «Casa&Co#5 – Subterfugios de la naturaleza», Casa&Co#5 – Subterfugios de la naturaleza, Casa de Velázquez, du 17/02 au 28/05, Madrid, Espagne. Partenariat entre le Département de Loire-Atlantique et la Casa de Velázquez
2022
- «Nov'Art», Moulin de Villevêque, du 02/07 au 18/09, Villevêque
- «Shakers, 20 ans de résidences», Château des Ducs de Bourbon, du 18/06 au 18/09, Montluçon
- «ARCHIVES #6, 20 ans du Prix de la Ville», Galerie Paradise, du 03/06 au 30/07, Nantes
- «Le soleil se lève tous les jours», Site-Saint-Sauveur, du 25/05 au 25/09, Rocheservière, Montaigu
- «Carnets d'artistes», PAD/La cabine et Satelllite, du 28/01 au 04/02, Angers. All Ready Made, commissariat Léo Bioret et Hélène Cheguillaume
2021
- «Entre les murs», Abbaye Royale de Fontevraud, du 19/06 au 19/09, Fontevraud. Direction artistique Emmanuel Morin
- «Ça ne m’intéresse pas, la nostalgie d’un monde que j’habite déjà», exposition des lauréats du Prix des Arts Visuels de la Ville de Nantes, l’Atelier, du 03/07 au 12/09, Nantes. Commissariat Julien Arnaud
- «Poly-m», Centre d’Art Contemporain de Pontmain, du 19/06 au 31/08, Pontmain
2020
- «Boxon Salin Poésie tondue», Ateliers Bonus, du 15/12 au 24/12, Nantes
- «L'objet, revu et corrigé», Maison Garonne, du 07/03 au 28/04, Cazères sur Garonne. Partenariat entre PAHLM et Les Abattoirs, Musée-Frac Occitanie-Toulouse
2019
- «TAV artists in residency», Treasure Hill Artist Village, Cross Gallery, du 29/11 au 18/12, Taipei, Taïwan.Partenariat entre le Lieu Unique de Nantes, la Taipei Culture Foundation et l’Institut Français
- «Le Grand Atelier, sur le feu», Ateliers Millefeuilles, du 16/05 au 26/05, Nantes
2018
- «NightWatch», Ateliers Babioles, du 25/03 au 31/03, Ivry sur Seine
2017
- «A Great Opening, quand Denis rencontre Philippe», Le Chaideny, du 30/09 au 07/10, Paris.
- «Art, villes et paysage», les Hortillonnages, du 17/06 au 17/10, Amiens
- «Nov’Art», Moulin de Villevêque, du 17/06 au 20/08, Villevêque
- «Dans les parages», Espace d’Art Contemporain AVV, du 04/02 au 26/03, St Mathurin sur Loire
2016
- «Décompilation», La Passerelle, Université Pierre et Marie Curie, du 22/09 au 21/10, Paris
- «Estrade pour microscopes», Atelier l’Enceinte, du 16/03 au 26/03, Angers
- «Le propos des plantes», Les Mille Tiroirs, du 15/01 au 12/02, Pamiers
2015
- «Véritable Martingale», Centre d’Art de l’Ile de Moulinsart, du 05/09 au 01/11, Fillé sur Sarthe
- «Contexte(s)», Musée des Beaux-Arts, du 03/04 au 07/06, Angers
- «Leave the kids alone», Galerie des Franciscains, du 16/04 au 10/05, Saint-Nazaire. Commissariat Julie Crenn
2014
- «Oblitus Locis», Chapelle Saint-Lazare, du 01/05 au 31/05, Angers
2014
- «Tout semblait immobile», Théâtre le Quai - Centre Dramatique National, du 01/05 au 31/05, Angers
2013
- «Locus Solus/Hocus Pocus», Musée Joseph Denais, du 01/05 au 31/05, Beaufort-en-Vallée
Residencies
2022
- «Casa de Velázquez», trois mois, du 19/09 au 19/12, Madrid, Espagne. Partenariat entre le Département de Loire-Atlantique et la Casa de Velázquez. Édition de résidence
- «Site-Saint-Sauveur», quatre mois, du 03/01 au 01/05, Rocheservière, Montaigu. Édition de résidence
2021
- «À la table», Le Lieu Unique, deux semaines, du 05/07 au 16/07, Nantes
- «Abbaye Royale de Fontevraud», deux mois et demi, du 01/04 au 19/06, Fontevraud
- «Centre d’Art Contemporain de Pontmain», un mois, du 01/03 au 31/03, Pontmain
2020
- «PAHLM, Pratiques Artistiques Hors Les Murs», un mois, du 06/02 au 07/03, Cazères sur Garonne
2019
- «Taipei Artist Village», trois mois, du 30/09 au 22/12, Taipei, Taïwan. Partenariat entre le Lieu Unique de Nantes, la Taipei Culture Foundation et l’Institut Français
2018/2019
- «Maison des Arts», six mois, du 08/11 au 27/03, Saint-Herblain
2018
- «La Rampe», deux semaines, Ateliers de la Ville en Bois, onze jours, du 15/10 au 26/10, Nantes
- «Shakers Lieux d’Effervescence», six mois, du 03/04 au 13/10, Montluçon
- «Ateliers Babioles», une semaine, du 17/03 au 24/03, Ivry sur Seine
- «Artelozera», un mois et demi, du 03/02 au 12/03, Mende
2017
- «La Colombière», un mois et demi, du 07/08 au 17/09, Gennes-Val-de-Loire
- «Rue sur Vitrine», un mois et demi, Esad TALM-Angers, du 20/06 au 31/07, Angers
2015
- «Centre d’Art de l’Ile de Moulinsart», un mois, du 01/07 au 31/07, Fillé sur Sarthe
2014
- «La Fabrique, Laboratoires Artistiques», deux semaines, du 01/12 au 15/12, Nantes
Grants, awards
2020
- obtention de l’Aide à la création de la Région des Pays de la Loire
2019
- lauréate du Prix des Arts Visuels de la Ville de Nantes - 19 ème édition
Workshops, teaching
2024
- ateliers de pratique artistique, Collège Julie-Victoire Daubié, St Philbert de Grand-Lieu
- ateliers de pratique artistique et exposition, Collège Paul Langevin, Couëron
- table ronde aux Beaux-Arts Nantes pour échanger autour de la Casa de Velázquez, Nantes
- ateliers de pratique artistique, Collège Paul Langevin, Couëron
2023
- ateliers de pratique artistique avec le public enfant, Frac des Pays de la Loire, Carquefou
- ateliers de pratique artistique, Lycée La Colinière, Nantes
- table ronde et exposition à l’Esad TALM-Angers pour échanger sur le métier d’artiste-auteur, Angers
- ateliers de pratique artistique, Collège Paul Langevin, Couëron
- ateliers de pratique artistique, IME Le Cenro et IME Le Val de Sèvre, Vertou
- ateliers de pratiques artistique, Site-Saint-Sauveur, Rocheservière
- table ronde aux Beaux-Arts Nantes pour échanger autour de la Casa de Velázquez, Nantes
2022
- présentation de mon travail et ateliers de pratique artistique, EHPAD L’Arbrasève, Rocheservière
- ateliers de pratiques artistique, Site-Saint-Sauveur, Rocheservière
2021
- ateliers de pratique artistique, Lycée Saint-Joseph, Mauges-sur-Loire
- ateliers de pratique artistique, Collège Sainte-Marie, Chavagnes en Paillers
- présentation de mon travail aux élèves, Collège Louis Launay, Pontmain
- ateliers de pratique artistique et exposition, Collège La Fontaine, Missillac
2020
- professeure en Arts Plastiques, quatre mois en distanciel (covid-19), Maison des Arts, Saint-Herblain
- présentation de mon travail aux élèves, collège Le Plantaurel, Cazères-sur-Garonne
2019
- workshop auprès des étudiants de l'Université de Hualien, Taïwan
2018
- ateliers de pratique artistique avec le public enfant, Étang de Sault, Montluçon
- ateliers de pratique artistique, Collège Jules Verne, Montluçon
2017
- table ronde de l’Esad TALM-Angers pour échanger sur l’émergence à la sortie de l’École, Angers
- ateliers de pratique artistique, École Les petites main, Chênehutte-Trèves-Cunault
Education, training
2015
- DNSEP option Art, félicitations du jury, sous la direction d’Arnaud Bernus, ESBA TALM ANGERS
2013
- DNAP option Art, félicitations du jury, sous la direction de Nicolas Delprat, ESBA TALM ANGERS
Other
2023
- formation professionnelle Afdas « réaliser une œuvre en métal », du 17/07 au 21/07 Avec Pierre-Alexandre Remy et l’organisme de formation Amac, Divattes-sur-Loire
2021
- jury pour le DNA blanc, 29, 30 et 31/03, Esad TALM-Angers, Angers
- jury pour la résidence La Rampe, Ateliers de la Ville en Bois, Nantes
2020
- formation professionnelle Afdas « initiation aux techniques du moulage », du 02/10 au 06/12 Avec Cellule B et l’organisme de formation Leafy, Nantes
- formation professionnelle Afdas « initiation aux Arts et techniques du verre », du 20/07 au 24/07 Avec Arcam Glass et l’organisme de formation Leafy, Nantes
- jury pour la résidence Shakers Lieux d’Effervescence, Montluçon
2019
- formation professionnelle Afdas « initiation au soufflage de verre », du 02/09 au 06/09 Avec Arcam Glass et l’organisme de formation Leafy, Nantes
Démarche artistique
Mon travail s’articule autour de la pratique du dessin, de la sculpture et de l’installation. Il consiste à déplacer de manière poétique la fonction première d’objets utilitaires, quotidiens et standardisés pour produire des formes hybrides et organiques. Ces objets, conçus pour des usages précis et souvent perçus comme insignifiants au-delà de leur fonction, deviennent, dans mes œuvres, des matériaux bruts sublimés sous des formes de la nature, que j’utilise comme vecteur pour questionner les notions d’uniformisation et de conformité. J’interroge ainsi les mécanismes sociaux et culturels qui imposent des normes et met en lumière, par contraste, les concepts de monstre et de curiosités qui surgissent avec elles : qui sont réellement les monstres dans un monde façonné par ces critères ?
J’opère le renversement des objets à travers un processus de travail simple et organisé. Pour chaque œuvre, je les utilise en quantité excessive et de même calibre, en privilégiant le recyclage, la récupération ou l’achat en gros. Puis, dans une logique de répétition du geste, je transforme leur apparence initiale en les soumettant à différentes étapes de démantèlement pour, une fois dysfonctionnels, les recomposer sous la forme d’étranges artefacts. J’exploite leurs propriétés physiques et esthétiques à la main, avec peu d’outils et sans savoir-faire particulier, dans une économie volontaire d’expertise et de moyens. Une forme de « bricolage » lent et calme – à l’inverse du mode de production industriel – qui fait naitre des gestes accidentels parfois heureux, dont je tire parti pour donner forme aux œuvres. La répétition du geste, quant à elle, n’est pas sans rappeler le labeur d’un tissage ou du travail à la chaîne, soulevant la question de l’engagement et de la performativité du corps dans mon processus artistique. Mon travail étant le résultat d’un dialogue physique entre mon corps et la matière, ce dernier devient alors un outil de création, investi dans l’impossible tâche d’égaler l’efficacité et la productivité d’une machine, toujours rappelé à sa fragilité, confronté à son imperfection et sa condition humaine.
Mes œuvres portent en elles les traces de cet investissement corporel : elles sont les vestiges et les témoins de mes efforts, évoquent l’épuisement du corps mis au travail. Elles sont des fragments qui se dégradent avec le temps, évoquent symboliquement l’idée de la ruine. De petites à grandes dimensions, parfois monumentales, elles prolifèrent et se déploient de façon modulable dans les espaces où elles sont exposées sous la forme de curieux subterfuges de la nature, s’adaptant aux caractéristiques architecturales des lieux ou, au contraire, créant des décalages et des contrastes marqués. Dans cette logique de déploiement et dans une préoccupation perpétuelle d’investir l’espace par des formes et des couleurs, les frontières entre le dessin, la sculpture et l’installation se dissolvent. Les œuvres deviennent des créatures et des trophées inquiétants, des beautés monstrueuses qui oscillent entre le morbide et le précieux, avec parfois des airs faussement naïfs, grotesques ou farfelues. Mon travail incarne un monde chimérique, où le spectateur est invité à s’immerger, à déambuler pour contempler de près ces créatures hybrides et énigmatiques qui, avec leurs différents niveaux de lecture, sèment un trouble. Dans une tension et une ambiguïté déroutante, mon travail rend un hommage à la fois ironique, poétique et universel à un monde qui se transforme, s’épuise et s’asphyxie sous le poids de sa propre productivité. Il interroge notre rapport aux objets, leur surproduction et leur surconsommation, leur impact sur notre environnement, nos façons de penser et nos corps. Il est un miroir qui interroge cette volonté et obsession qu’a l’humain de standardiser le monde, le vivant et les choses.
Julie Maquet
Flash
En résidence durant trois mois à la Casa de Velázquez, Julie Maquet a pris place au cœur des traditions picturales espagnoles pour mieux s’en extraire. Dans son atelier, le dessin est en mouvement.
Des pans de rouleaux de papier, coloriés aux feutres fluos, se déploient, se courbent, se plient et s’enroulent. Ils suggèrent et dissimulent formes elliptiques et couleurs vives. Le geste de l’artiste est rapide et répétitif pour un aspect crayonné, jusqu’à épuisement du feutre lui-même. Car il s’agit bien ici d’épuisement, dans toute sa diversité et sa complexité. L’épuisement du corps de l’artiste au travail, avec le mouvement continu et régulier, presque mécanique, de la main à l’œuvre. Par ses gestes saccadés, et le son rythmé de la mine sur la feuille, l’exercice de création apparaît automatisé, machinal, jusqu’à en devenir méditatif, voire hypnotique. Le temps ralentit, se dilue, s’écoule.
Julie Maquet compare ses pérégrinations dans la ville madrilène et la découverte de son tissu urbain à ses déambulations au sein de son grand atelier vide et au cheminement de sa main sur la feuille. Elle s’empare de l’espace du dessin, le remplissant sans cesse, et multiplie les combinaisons et variations d’exposition de ses laies de papier. Elle épuise alors les possibles, remplit la page et déconstruit notre rapport physique au dessin, pour une expérience toujours renouvelée.
Texte réalisé pour l’édition de résidence à la Casa de Velázquez, Madrid, 2022
Marie Frampier
Julie Maquet à Rocheservière, il faut le "faire"
Julie Maquet se déplace régulièrement en résidence : Centre d’Art Contemporain de Pontmain, Abbaye Royale de Fontevraud, Taipei Artist Village à Taiwan… Chaque destination permet la production de nouvelles œuvres. Le Site Saint Sauveur/Rocheservière offre une expérience autre : quatre mois pour penser, fabriquer, rechercher plutôt que produire. La contrainte du temps se meut alors en un cadre de travail émulateur pour réfléchir à ses gestes, les travailler, les questionner, pour qui sait, les réinventer ?
Julie Maquet fabrique essentiellement des sculptures et des installations à partir d’objets manufacturés. L’œuvre résulte de l’accumulation d’un seul et même objet et d’un système de fixation. Ce principe se retrouve dans ses grands dessins ou elle couvre de grandes surfaces par la réitération d’un geste primal, le trait. Le matériau, sans valeur apparente, conditionne des formes qui tendent vers l’organique et s’étendent de façon perpétuelle.
A son arrivée à Rocheservière, Julie Maquet a d’abord voulu faire sa place en s’appropriant tout l’espace. Naît alors l’idée de l’œuvre Des voies. Julie Maquet dispose d’un stock impressionnant de plus de 16 000 joints de bocaux dont elle sait d’instinct qu’elle en « fera quelque chose ». La rondelle orange possède un fort potentiel sculptural. Un anneau duquel sortent deux oreillettes formant bourrelets quand plusieurs sont empilés et le liseré jaune sont comme une évidence. Et ce petit orifice minuscule qui lui dicte d’enfiler… Tout est là. Aucune modification à opérer, à contrario de ses œuvres précédentes où elle fait montre de gestes attentatoires à l’intégrité de l’objet (sciage, pliage, effilochage) pour le transformer. Pourtant cette profusion induit un excès de travail. Miroir d’une industrie incapable de gérer ses surplus, Julie Maquet se retrouve dans la situation de devoir absorber un stock dont la profusion est à limite de la saturation. Il ne s’agit pas seulement d’enfiler des éléments sur un fin câble d’acier, encore faut-il leur donner forme, leur imposer une torsion, leur attribuer une dimension qui les fera devenir tube digestif, structure ADN, échine ou colonne fasciculée. La couleur vive révèle quelque chose d’intérieur, de viscéral. Mais ces boyaux sont aussi des colliers ou des parures trop lourdes. D’une manière ou d’une autre, l’œuvre véhicule en creux l’idée du corps.
Si l’œuvre de Julie Maquet revêt l’aspect immédiat de l’accumulation, elle sait développer et intriquer bien d’autres gestes. Tordre, coudre, tremper & laisser sécher, sont les actions qui permettent de réaliser Fines lames. Le désir initial à Rocheservière était celui de coudre, de construire avec le fil. La ressourcerie de Montaigu spécialisée dans le décor scénique lui a fourni la matière première : des feuilles artificielles en tissu plastifié. D’un objet relativement plat, souple, à la couleur crue, Julie Maquet va tirer un volume discret, à la dureté fragile. L’opération mainte fois répétée associant paraffine et couture est délicate. Au-delà d’une mise en œuvre importante, le processus quasi hypnotique suppose une concentration qui requière une énergie intense. Alors le dessin, dont le but avoué est celui de remplir, de couvrir et d’étendre, autorise une approche plus immédiate et des gestes plus instinctifs. Les 4 couleurs utilisées pour Twins sont celles des marqueurs bic dont le support de prédilection est le paper-board des salles de réunion. Outils banals, sans qualité, Julie Maquet aime utiliser le pouvoir couvrant de leur encre indélébile autant que leur pointe biseautée apte à générer un trait dont l’épaisseur vient dessiner des formes indéfinissables. Les quatre mois auront aussi permis de transformer, à l’aide de dissolvant, la surface de dizaines de CD ou bien de trouver comment sculpter, à coups de ciseaux, des tétines de façon quelque peu transgressive…
Prendre le temps de regarder, observer puis ensuite déplacer, retourner et encore triturer, la résidence de Rocheservière permet la digestion après la récolte. La manipulation attise le regard jusqu’à la compréhension plastique de l’objet, déclic à partir duquel s’enchaînent des sessions de gestes répétés durant des heures, des jours, des semaines. Pourtant la sculpture de Julie Maquet n’a rien de performatif. S’il y a bien accumulation de gestes, ils construisent des formes qui atteignent la permanence. Paradoxalement l’action ou les gestes qui ont mené à l’œuvre ne se révèlent que parce que le spectateur s’efforce de les repenser. Une des forces de l’œuvre de Julie Maquet est bien de ne pas enfermer l’œuvre dans la seule performance, mais bien de sublimer les matériaux pour les faire devenir autre.
Texte réalisé pour l’édition de résidence au Site-Saint-Sauveur, Rocheservière, 2022
Bertrand Charles
Cumulus, bruissements et colonies
Animée par un intérêt singulier pour les matériaux qui l’entourent, Julie Maquet collectionne et cumule, associe et rassemble, amoncelle et agglomère.
Son œuvre procède souvent de l’accumulation, terme issu du latin accumulare, mettre en scène, et cumulus, amoncellement. Dans le champ artistique, l’accumulation se traduit par une énumération d’éléments de même nature, en vue de créer un effet de profusion, et depuis les années 60, nombreux sont les artistes qui ont travaillé cette notion d’amoncellement et de foisonnement, souvent reliée aux objets du quotidien : d’Arman à Sylvie Fleury, de Tadashi Kawamata à Tony Cragg, en passant par Annette Messager qui déclarait travailler par accumulation pour se dissimuler, par peur de la chose unique. Quelle que soit l’ambition de l’artiste, l’accumulation donne à l’objet individuel une nouvelle identité en l’intégrant dans une masse signifiante. La répétition, l’excès, l’abondance peuvent contribuer à faire surgir l’inexprimable, l’indescriptible, l’indicible. Elles provoquent un « comblement » de l’œil et de l’esprit, une intensification du réel, une démesure qui contribue à faire émerger un autre versant de la beauté du quotidien, transfigurant l’ordinaire en extraordinaire. La récurrence stimule l’imaginaire.
Julie Maquet est l’héritière de cette vaste famille : elle fait monter son dessin ou sa sculpture, comme on dirait d’une céramiste qu’elle fait monter son pot de terre, par la répétition, l’itération, la récidive. Ses idées d’assemblage prennent leur ancrage dans ce moment décisif où elle « rencontre » un matériau, qui auparavant peut rester longuement en attente dans son atelier, sans affectation artistique. L’artiste préfère les objets industrialisés qui ont déjà une identité forte, pour mieux les détourner de leur forme initiale, les retourner, les couper, les trancher. Leur fonction antérieure ne disparaît pas, mais se métamorphose : une fois l’existant neutralisé, il est temps de lui conférer une seconde vie poétique. Il est ici question de travail manuel : les proliférations modulaires de Julie Maquet naissent toujours d’une forme de labeur, qui engage l’endurance du geste, la patience minutieuse, la précaution persévérante. Dessin, couture, collage, soudure, imbrication : l’artiste ne revendique aucun savoir-faire particulier, elle n’avance pas en force, privilégie plutôt la précarité, l’amateurisme et l’obsolescence. Caoutchouc de pneus de vélo, capsules de bouteilles, briquets et paraffine : l’assemblage et la répétition opèrent une transfiguration, une mutation où le vocabulaire du quotidien utilitaire se pare de sensualité organique, au pouvoir attractif autant que trouble, aux accents parfois monstrueux. Fragiles, ses installations ne sont pourtant pas timides et prennent puissamment l’espace, jusqu’à l’envahir.
Au centre d’art de Pontmain, l’artiste manifeste cette appétence à la colonisation en accueillant le visiteur dès l’entrée, avec un module de verre coloré. Cette nouvelle production, réalisée en collaboration avec le maître verrier Simon Muller1, fait partie d’une vaste famille qui s’est installée au sol du rez-de-chaussée de l’espace d’exposition. L’artiste y présente également quelques grandes œuvres sur papier, résultant d’une pratique graphique intense. Chez elle, le dessin alterne avec la sculpture, il accompagne les matériaux
et dialogue avec leurs formes et leurs couleurs, sur un mode plus abstrait et arbitraire. Dans ses compositions qui dépassent les dimensions du corps et invitent au contact immersif, Julie Maquet semble obsédée par le traitement du trait, de la trace additive : ses toisons de lignes prolifèrent comme ses installations, bruissant de circulations et de mouvements. (…)
Extrait du texte réalisé pour le livret de l’exposition Poly-m, Centre d’Art Contemporain de Pontmain, 2021
Eva Prouteau
1- Simon Müller officie dans la structure Arcam Glass. Ce projet a bénéficié de l’aide à la création de la Région des Pays de la Loire et du co-financement du centre d’art de Pontmain.
After Summer ou les mondes expansés
En choisissant d’intituler son exposition After Summer, Julie Maquet ouvre le champ de la mélancolie propre à septembre où le spleen régit les émotions. L’œuvre Ravage -d’imposantes pelotes de ficelle agricole en polypropylène bleu et rouge thermo fondues- prend le titre d’un roman de Barjavel, dont l’anticipation surannée recèle aujourd’hui le parfum d’une désuétude qui flirte avec l’idée d’une fin de l’été. After Summer, comme la réminiscence d’une vision post-apocalyptique générée par les dystopies des années 40. Mais, au-delà de la conclusion d’une saison embuée de souvenirs, c’est une page qui se tourne. Si Julie Maquet nous a habitués à ses fictions mâtinées d’étrange et de fantastique extraites du réel le plus prosaïque, aujourd’hui, son usage de la couleur manifeste une volonté d’appréhender de nouveaux territoires.
Cerclage plastique, clous rouillés, bobines de polyéthylène… Puisé dans l’industrie, le réel de Julie Maquet est celui de l’excès, du surplus, du trop. Une fois récolté, il lui faut l’examiner, l’inventorier et le stocker pendant un temps qui mêle allègrement réflexion et oubli. Puis le geste arrive qui s’efforce de s’ajuster aux particularités des objets pour en exploiter les failles, les blessures. Celles qui feront basculer le banal dans l’étrange et la fiction. Julie Maquet revendique le geste du bricoleur tel que l’a défini Claude Lévi-Strauss dans La Pensée sauvage1. Elle n’est pas l’ingénieur qui conçoit et construit les éléments de son œuvre en fonction d’un plan et d’une visée préalablement définis. Elle exploite les contingences multiples qu’offrent les piquets de vigne ou les pneus de vélo dans des accumulations assumées. Cette répétition des mêmes gestes (traits, pliage, sciage, nouage) et objets (capsules, clous) ne s’enferme pas dans la sécheresse de la radicalité minimale. S’y instille un désordre bienvenu. Pensons à la lettre “T” d’Archibald Tuttle devenue “B” par accident dans Brazil2 qui fait vaciller le système jusqu’à son effondrement.
Il n’existe pas d’être humain idéal pour Julie Maquet qui nourrit une appétence pour les corps déformés, bizarres. Ses morphologies atrophiées, morceaux de fourrures, cellules, semblants de colonnes vertébrales luttent contre les injonctions sourdes du monde contemporain. Être vivant ne consiste pas à répondre à des attentes. Rendre séduisantes des formes non abouties aux plus réfractaires d’entre-nous tient du militantisme. Les bulles de verre de Bodies, bodies and bodies tiennent de la larve, de la gélule ou du scaphandre. Naissance ou dégénérescence, souffle de vie ou tumeur, ces bulles gonflées, boursouflées et percées, portent une interrogation qui se meut en angoisse à la hauteur de l’attirance que l’on peut porter à la délicatesse et l’élégance de la verrerie soufflée. Les mondes de Julie Maquet sont peuplés d’organismes à l’hybridité troublante. Ses Conques faites de pneus de vélo retournés et enroulés sur eux-mêmes prolifèrent comme autant de protubérances lubriques qui ne déplairaient pas à Ridley Scott. Inquiétante étrangeté d’une œuvre ou le familier, la chose connue, reconnue, se mue en une entité perturbante. Quand les fibres de Fourrure, dans laquelle tout un chacun est censé vouloir se lover ou se blottir, se révèlent être des clous rouillés, la Mue d’un organisme géant est réalisée à partir de simples éponges en pailles de fer déroulées. Le monticule doré intitulé Cadavre est fait d’une multitude de capsules de vin pliées en deux évoquant des larves d’insectes. Telle une revanche des délaissés, les objets et matières inertes retrouvent le vivant, après avoir été dévoyés par nos modes de vie normatifs et mortifères.
Julie Maquet étire la réalité et tend vers le monstrueux sans jamais l’atteindre. Elle sait attribuer à un objet une nouvelle identité. Plusieurs pinces à linge deviennent des Sacs qui sont davantage des cocons hérissés de poils que d’ordinaires cabas. Les Stalagmites sont une curiosité en soi : du plastique fondu acquiert des propriétés organiques tout en évoquant une concrétion minérale. Poupées est constituée de cravates multicolores cousues entre elles et garnies de bourre. Une fois installées dans l’espace elles s’apparentent à un banc grouillant de poissons. Ce faisant, l’œuvre tient du réalisme magique propre à l’auteur Murakami3. Une manière d’être dans le présent concret et, dans le même temps, lui échapper.
Nourrie du surplus, la pratique de Julie Maquet ne demande qu’à s’étendre, qu’à se propager dans l’espace. Fondée sur l’objet, elle fait régulièrement des incursions dans le dessin (Falaise, Bêtes à poils, Division I) et quand elle y ajoute l’adjuvant de la couleur libre, crue, rien ne l’arrête. Ghosts fait partie de ces premières expériences moins organiques mais tout aussi vivantes. Ces drapeaux de papier sont le récit-hommage de son expérience de la ville de Taipei (Taiwan), mégapole où l’écriture lumineuse et colorée des enseignes redéfinit l’espace urbain. Ces bannières en berne sont des spectres mouvants, lointaines réminiscences d’une communication visuelle envahissante. A partir de l’expérience de ce chromatisme exacerbé, les couleurs appliquées au gros feutre sur de grandes feuilles de papier constituent un instrument sensible pour saisir la réalité d’un lieu, et tout ce qui l’anime, dont les visiteurs qui arpentent l’installation. La couleur, toute en expansion, ne parasite pas l’espace. Le blanc du papier, les intervalles entres les drapeaux, sont autant de respirations dont les oscillations douces se font l’écho pour créer un hors-champ ouvert à de multiples interprétations.
Texte réalisé pour le catalogue de l’exposition After Summer, Abbaye de Saint-Florent-le-Vieil, Mauges-sur-Loire, 2021
Bertrand Charles
1- Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Plon, 1962
2- Terry Gilliam, Brazil, 1985
3- Haruki Murakami est l’auteur de 1Q84, 2009-2010, Shinchosha ou Le Meurtre du Commandeur, 2018, Belfond.
Portrait
Une affaire de séduction : Julie Maquet manipule une étrange guirlande de résistances électriques, et décrit à quel point ses idées d’assemblage prennent leur ancrage dans ce moment décisif où elle rencontre un matériau. Animée par un esprit de subversion tranquille, elle préfère les objets industrialisés qui ont déjà une identité forte, pour mieux les détourner de leur forme initiale, les retourner, les couper, les trancher. Leur fonction antérieure ne disparaît pas, mais se métamorphose : une fois l’existant neutralisé, il est temps de lui conférer une seconde vie exotique, ouvertement artisanale.
Il est ici question de travail manuel : les proliférations modulaires de Julie Maquet naissent toujours d’une forme de labeur, qui engage l’endurance du geste, la patience minutieuse, la précaution persévérante. Couture, collage, soudure, imbrication : l’artiste ne revendique aucun savoir-faire particulier, elle n’avance pas en force, privilégie plutôt la précarité, l’amateurisme et l’obsolescence. Éponges en acier, ficelles agricoles en polypropylène, gants Mappa ou papier alimentaire aluminisé : l’assemblage et la répétition opèrent une transfiguration, une mutation où le vocabulaire du quotidien utilitaire se pare de sensualité organique, au pouvoir attractif autant que trouble, aux accents parfois monstrueux. Fragiles, ses installations ne sont pourtant pas timides et prennent puissamment l’espace, jusqu’à l’envahir.
Après son diplôme à l’école des beaux-arts d’Angers obtenu en 2015, l’artiste a enchaîné les résidences, un format qui lui convient bien : de passage, elle arrive légère, puis va à l’essentiel, ne stagne pas dans l’atelier, joue avec le temps imparti. Elle aime le changement, d’objet et de cadre. Cherche à ne pas tout contrôler, préfère éviter la maîtrise. Lâcher prise.
De novembre à mars 2019, elle est sélectionnée à la Maison des Arts de Saint-Herblain, une résidence qui sera suivie d’une exposition personnelle. Pour l’occasion, elle choisit de montrer uniquement de nouvelles productions, en germe sur la table de l’atelier : elle commence par sculpter ses agrégats à plat, puis démêle ou enchevêtre, compresse ou aère en fonction des conditions d’accrochage. L’artiste poursuit également une pratique graphique intense : le dessin accompagne les matériaux et dialogue avec leurs formes et leurs couleurs, sur un mode plus abstrait et arbitraire. Julie Maquet semble obsédée par le poil et le cheveu : ses toisons de traits prolifèrent comme ses installations, bruissant de circulations et de mouvements. Une grande composition s’ébauche, au feutre Stabilo fluo, comme un écho aux gants Mappa rose dragée.
Ses références sont multiples : de Tatiana Wolska à Sarah Lucas, d’Hans Bellmer
à Cindy Sherman, elles soulignent l’importance du corps, métaphorisé en permanence. Chez Julie Maquet, chaque œuvre semble douée d’une vie autonome, organisme bizarre aux ramifications inconnues. Des corps paradoxaux qui sont à la fois très organisés mais qui débordent en continu : enfant, l’artiste passait beaucoup de temps à archiver et à ranger, à cataloguer. Son travail raconte aussi ce double régime inconciliable : le vivant, qui nous échappe malgré toutes nos tentatives de classement, le monde et ses flux, impossibles à mettre en case.
Texte réalisé pour un portrait sur le Pôle des Arts Visuels des Pays de la Loire, 2019
Eva Prouteau
Poétique de l'excès
Les sculptures de Julie Maquet reposent sur la rencontre et l’observation d’un objet préexistant. Des objets utiles présents autant dans l’espace domestique que dans différents milieux professionnels. Nous retrouvons ainsi des œuvres réalisées à partir de clous rouillés, de caissettes à pâtisserie, de capsules de vin, d’élastiques en caoutchouc, de pinces à linge en bois, de pneus de vélo ou encore de paquets de cigarettes. Toujours fabriqués de manière massive et sérielle, ils renvoient à une forme standardisée et une fonction précise. L’artiste décide alors de confronter ces objets dont l’obsolescence est programmée à leur dimension sérielle en explorant l’accumulation, l’association, l’étirement. Elle rassemble des objets identiques pour créer une nouvelle entité. Chaque objet donne lieu à un geste et/ou une technique : coller, clouer, chauffer, coudre, nouer, enrouler, plier. L’accumulation, la répétition et la mise en espace de l’œuvre engendrent une transformation. La fonction est évacuée au profit de problématiques telles que la standardisation, la récupération, la reconversion, la mémoire, le corps et l’espace.
Les objets normés, souvent invisibles, jetables, imperceptibles dans nos quotidiens, voire indésirables, prennent corps. L’artiste, par une pratique d’ordre artisanale, les amène à devenir toute autre chose. Assemblés, hybridés, ils participent à l’élaboration de formes organiques, animales ou végétales. Les ficelles agricoles en polypropylène bleu et rouge sont fondues au décapeur thermique. Le matériau mou devient dur comme une roche piquante et rugueuse. Julie Maquet dispose plusieurs blocs colorés les uns sur et près des autres pour former un paysage corallien. Il en est de même lorsqu’elle réalise l’installation Mue (2018) à partir d’éponges en acier. Ces dernières sont dépliées et suspendues dans l’espace. Elles rappellent un groupe de méduses, des éléments vestimentaires ou encore un dégagement de fumée. Les capsules de vin pliées disposées au sol (Cadavre – 2015) oscillent entre un tas de feuilles mortes ou bien un nid s’insectes morts. Les œuvres sont potentiellement croissantes et mouvantes. Un déplacement est opéré entre une production industrielle et le simulacre d’un paysage. L’artificiel se frotte au naturel. Tout comme la nature, la production industrielle a horreur du vide. Les sculptures et installations déploient un dialogue complexe entre les antagonismes : art-artisanat, artificiel-naturel, éphémère-pérenne, fragile-solide, vivant-immobile. L’artiste travaille alors l’évocation de corps et de paysages vivants. L’usage d’objets et de matériaux trouvés, abandonnés, récupérés, participe d’une reconstitution, d’une réincarnation de corps à la fois étranges, poétiques, physiques et sensibles.
Les œuvres instaurent un rapport puissant au corps, tant dans leur réalisation que dans leur appréhension. De par leurs dimensions souvent importantes, Julie Maquet impose aux œuvres une présence physique. Nous sommes ainsi confrontés à des corps inertes qui agissent comme des écrans à travers lesquels nous pouvons projeter nos imaginaires, personnels et/ou collectifs. En effet, les objets assemblés nous sont pour la plupart familiers. Ils activent une mémoire sensible et corporelle. Le choix même des objets repose sur un lien spécifique avec l’expérience de l’artiste. Inscrits dans son histoire, ils dissimulent une sensation, un souvenir. Alors, par le déplacement de ces objets normés et calibrés, Julie Maquet en révèle le pouvoir métaphorique, poétique et politique. Les œuvres, véritables vanités du monde actuel comportent une dimension écologique qui ne peut nous échapper. Imaginons des paysages futuristes, déshumanisés, où régneront les ruines organiques de nos déchets et de nos surproductions. Les objets et les matériaux sont extraits d’une masse excessive à laquelle nous ne prêtons pas ou plus attention. Il s’agit alors pour l’artiste de transformer une infime partie de l’excès pour la rendre visible et lui attribuer de nouvelles symboliques et de nouveaux récits.
Texte réalisé pour le catalogue de l’exposition « Il y avait des plantes, des oiseaux, des rochers et des choses…», Orangerie du Château de la Louvière, Montluçon, 2018
Julie Crenn
Il y avait des plantes, des oiseaux, des rochers et des choses...
Adepte de la résidence d’artiste, Julie Maquet donne de l’ampleur à son travail par l’expérience de la mobilité artistique. Ce processus de création ininterrompu s’est formulé par une volonté forte de changer de territoire. À sa sortie de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts d’Angers en 2015 elle a d’abord éprouvé l’espace de l’atelier. Elle y conçoit des installations de plus en plus grandes et les implante ensuite hors du Maine-et-Loire. C’est au Centre d’art de l’Ile de Moulinsart en 2015 que Julie Maquet réalise sa première résidence d’artiste. Grâce à sa participation au Festival des Hortillonnages, Art, Ville et Paysage à Amiens en 2017 et invitée par l’association ArteLozera à Mende en 2018, elle amorce des enjeux sculpturaux qui constituent désormais les fondations conceptuelles et esthétiques de son approche de l’objet. Ces étapes cruciales d’expositions et de productions assoient une identité artistique de la gravité et de l’envahissement. Julie Maquet décrypte les codes artistiques pour réévaluer le positionnement de la sculpture. Elle souligne l’autonomie d’une matière qui existe en puissance dans ses installations. Shakers, lieux d’effervescence au Printemps 2018 a escorté l’artiste vers une sculpture de persuasion et ses procédés de réalisation se sont affinés.
Ravage
LÉO BIORET : C’est la matière plastique qui a déclenché tes recherches menées lors des six mois de résidence à Montluçon. Une substance testée fondue pour la première fois dans la réalisation en polypropylène et polyphénylène de Stalagmite (2018) ; les prémices de l’œuvre Ravage.
JULIE MAQUET : Je sors d’une grande période de travail du plastique qui a commencé lors de ma résidence à Mende au début de l’année 2018, pendant laquelle j’ai eu l’occasion d’être en immersion deux semaines dans une entreprise de recyclage. J’ai pu avoir accès à de la matière plastique fondue qui sortait d’une extrudeuse, une machine qui recycle le plastique de manière à produire des billes de plastique propre. Les purges de cette machine génèrent du déchet toutes les quinze minutes, sous forme de blocs de plastique impropre et mous à 400°C. Ces doses m’ont servi à créer l’oeuvre Stalagmites, pour laquelle j’ai exploité l’élasticité du plastique fondu que j’ai étiré au maximum autour de tubes de métal avant qu’il ne se rigidifie. De cette résidence ont émergé les premiers essais embryonnaires de Ravage. Ce cheminement du plastique fut l’introduction de mes réalisations à Montluçon.
L.B : Comment as-tu réalisé Ravage ?
J.M : Tous les ans dans l’Allier au mois d’avril, les bâches et les ficelles agricoles sont collectées auprès des coopératives pour être ramenées chez des recycleurs. J’ai eu accès à des sacs énormes de deux cent cinquante litres remplis de ficelles et de paille qu’il a fallu trier. J’ai choisi de travailler avec les deux couleurs d’origine des ficelles monochromes orange et bleue. Après avoir fait des tas de fils au sol, j’ai fondu leur surface à l’aide d’un décapeur thermique. J’avais déjà remarqué, lors de premières expériences, que la ficelle réagissait étonnement sous la chaleur, elle fondait en s’effilochant, ce qui créait un mouvement et une texture proche d’un lainage. J’ai eu envie d’en faire une installation composée de pelotes de ficelles en plastique fondu dont la fonction estparalysée, donnant à voir un réseau compact de filaments et de fragments. J’ai laissé la chaleur décider des résultats en creux et contrastés. Ma volonté d’agir sur les blocs s’est traduite par des gestes aléatoires et nonmaîtrisés,ce qui a permis de générer un résultat que je ne cherchais pas ni n’attendais. C’est aussi quand je ne contrôle pas la forme que surgit la création. Le procédé s’auto-forme et je me laisse surprendre. C’est de cette façon qu’est née cette installation composée d’un monticule de ces blocs de deux mètres cinquante de haut et de plusieurs blocs satellites qui renvoient à un paysage minéral, lunaire, marin ou désertique (…)
Exrait de l’entretien réalisé avec Léo Bioret pour le catalogue de l’exposition « Il y avait des plantes, des oiseaux, des rochers et des choses… », Orangerie du Château de la Louvière, Montluçon, 2018
Léo Bioret