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Manon Tricoire

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Voyage Chromatique

Voyage Chromatique, 2021Jardin CAMIFOLIA

Vase clos

Vase clos, 2019Nuit Blanche, Mayenne

Pensée sauvage

Pensée sauvage, 2019La Loge - Beaupréau

La Petite Collection, 2ème édition

La Petite Collection, 2ème édition, 2016DDESSIN, atelier Richelieu, Paris

La Nature des Choses

La Nature des Choses, 2014Chapelle Saint-Jean, Saumur

Lacune

Lacune, 2014Ecole d'arts de Saint Nazaire

In Dust We Trust

In Dust We Trust, 2011Identité Remarquable, Orléans

Commande Bluemay-Ode

Commande Bluemay-Ode, 2011 Meret Oppenheim

Fondation Zevos

Fondation Zevos, 2010Fondation Zevos, Vézelay, Vézelay

Sur la terre comme au ciel

Sur la terre comme au ciel, 2010Centre d'art contemporain de Pontmain

Salon de Montrouge 2009

Salon de Montrouge 2009La Fabrique, Montrouge

Collège Chateaubriand, Villeneuve-sur-Yonne.

Collège Chateaubriand, Villeneuve-sur-Yonne., 2007collège Chateaubriand, Villeneuve-sur-Yonne

Artothèque d’Angers – H du Siège : dessins

Artothèque d’Angers – H du Siège : dessinsArtothèque d'Angers / H du Siège, Valenciennes

H du Siège

H du Siège, 2006H du Siège, Valenciennes

Portant mon regard sur les choses qui m’entourent (objets domestiques, nature, phénomènes naturels,..), je guette l’instant qui révèle un aspect étrange d’un fragment de réalité, cherchant à découvrir un univers frontière, un territoire où se rencontrent le quotidien et l’imaginaire.

A travers le jeu sensible d’impressions et d’intuitions, je construis de nouvelles images nées de confusions de formes ou de matières, d’associations de sensations, d’alliances de mots.

Je tente de capter, de garder, de conserver ces choses, ces impressions fragiles, éphémères qui suscitent souvent l’émerveillement mais qui éveillent aussi la conscience de l’impermanence, de l’absence et de la disparition.

Mon travail se développe ensuite sous différents registres et différentes formes. Il s’agit parfois de simples prélèvements par le biais de la photographie alors que d’autres travaux nécessitent une mise en oeuvre simple ou plus élaborée et entretiennent un rapport plus ou moins direct avec le monde tel qu’il est perçu habituellement.

Malgré la diversité des médias et techniques employés, je privilégie toujours les qualités sensibles des matériaux, cherchant également à suggérer d’autres aspects sensibles pourtant absents (tactile, olfactif, gustatif, auditif).

Au-delà de leur apparence formelle, mes travaux évoquent la fragilité de cette vision idyllique du monde, dévoilant souvent différents motifs de peur ou d’angoisse en les abordant de manière transposée comme le ferait l’univers des contes. Les objets, le corps, la nature évoquent alors de manière différente et avec une expressivité accentuée ces préoccupations essentielles.

Manon Tricoire

Pôle Arts Visuels Pays De La Loire : portrait de Manon Tricoire

Après plusieurs années de travail discret, Manon Tricoire est bien décidée à réapparaître. Engagée dans l’enseignement à l’École d’art du Choletais depuis 10 ans, en tant que mère de jeunes enfants et auprès de son conjoint plasticien, l’artiste fait de la polyactivité un défi toujours recommencé. Depuis 2017, elle s’investit dans les réflexions du Pôle arts visuels : « quel nouveau modèle peut-on construire ensemble ? » demande cette jeune femme au regard vif derrière ses lunettes rondes. Pour elle, « le Pôle permet de sortir de son pré carré et de trouver des solutions à plusieurs ». C’est aussi l’opportunité de dépasser le simple constat pour enclencher des actions avec un vrai souci du statut et de la rémunération. Depuis sa sortie de l’Ecole des beaux-arts d’Angers en 2001, elle a produit avec irrégularité sans atelier, voyagé au gré des résidences en pensant le petit format, rencontré la défiance à l’encontre des plasticiens, les rouages de la commande publique (Espace Culturel Senghor, May-sur-Èvre, 49, 2007) … Passant d’un médium à l’autre comme un jeu d’enfant, l’artiste explore la porosité entre 2ème et 3ème dimensions, renoue intuitivement avec une parenté surréaliste, élabore des dispositifs de présentation proches du conte, de la magie. Aujourd’hui, après avoir pratiqué le ponçage sur papier jusqu’à la disparition, elle souhaite prolonger son travail de céramique. Bientôt un four, et un désir de participer à des projets collectifs sur le long terme. « Un artiste a besoin d’être soutenu, d’être accompagné, et l’humain manque parfois ». Pour Manon Tricoire, le groupe permet de créer les conditions favorables à la production et de s’affranchir des contraintes de rentabilité. « La création ne doit pas être soumise au pragmatisme : elle est inhérente à sa sensibilité ».

Ilan Michel

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« PLUS L’OR DEMEURE DANS LE CREUSET PLUS IL S’AFFINE[1] »

du Moyen-âge mes souvenirs imprécis me demandent reprécise

Ils me demandent : précise la réponse à cette question que la rencontre

à la question que suscite du cœur, de l’écrin du cœur, des souvenirs-locunes,

la rencontre

mes souvenirs imprécis me demandent :

réponds à la question qu’a suscité cette rencontre, réponds à :

quelle est donc la place de la femme dans cette société ?

Anne Kawala, Au cœur du cœur de l’écrin, Lanskine, 2017

 

 

ICI COMMENCE PLUS L’OR DEMEURE DANS LE CREUSET PLUS IL S’AFFINE DONT LE PREMIER PARAGRAPHE RACONTE POURQUOI ET SOUS QUELLE IMPULSION CE TEXTE FÛT CONÇU

 

Début février 2022, l’artiste Manon Tricoire me contacte pour savoir si j’accepte d’écrire un texte pour son exposition qui viendra clore sa résidence à l’abbaye de Fontevrault. Elle m’explique qu’elle porte son attention sur la représentation picturale des Saintes et des martyres : « Les figures féminines représentées dans les récits bibliques oscillent de façon troublante entre la martyre, la vierge chaste et la pécheresse repentie ou non… Une vision des femmes dont nous héritons aujourd’hui a été en grande partie façonnée par ces récits et ces représentations… ». Elle m’envoie le fruit de ses recherches iconographiques. Se déploient sur le bureau de mon ordinateur les seins tranchés de Sainte Agathe portés sur un plateau doré, les yeux de Sainte Odile grands ouverts déposés dans un livre qu’elle tient entre ses mains, le bouquet d’yeux de Sainte Lucie de Syracuse, le cœur enserré de métal d’Anne de Bretagne, les cheveux soyeux de Marie Madeleine. Il y sera question des reliques du passé, des pieds de Jésus essuyés avec les cheveux de Marie-Madeleine simultanément propres et souillés par les regards posés sur elle.

 

COMMENT CINQ DAMES APPARURENT DEVANT MANON ET DE QUELLE MANIÈRE ELLES S’ADRESSÈRENT À ELLE POUR LA CONSOLER DE SON CHAGRIN

 

Les objets partiels déployés sur une table dressée devant nous par Manon Tricoire sont les fétiches de la survivance patriarcale. Le buffet est froid. Le cœur, le sang et les cheveux nous parlent. Comme l’écrivait déjà Christine de Pizan lorsqu’elle donnait voix aux disparues de l’histoire : « Je te certifie que notre apparition en ces lieux n’est pas gratuite, car nous ne faisons rien sans raison ; nous ne hantons pas n’importe quel lieu, et n’apparaissons pas à n’importe qui. » Dans sa préface à l’édition anglaise de La Cité des Dames, en 1982, l’autrice britannique Marina Warner affirmait que l’objectif du livre de Christine de Pizan était le suivant : « ramener à la mémoire la vie et les actions des femmes vertueuses incarnant ces qualités qui ont été négligées et oubliées par l’histoire. » Ainsi « elle redonne la parole à la part silencieuse du passé » nous dit-elle, le livre agit comme « une visite rendue aux ombres des mort·e·s, qui réclament leur droit à la mémoire. » Cette mémoire sélective qui du corps a prélevé des indices de leur souffrance raconte une histoire parcellaire qu’il nous faut raconter de nouveau autrement. Manon Tricoire propose un assemblage choral qui redessine les contours d’une histoire toujours vivante. Il faut remettre le couvert.

 

D’AUTRES ÉCHANGES ET PROPOS SUR LE MÊME SUJET

 

Dans son livre L’Archéologie pornographique : Médecine, Moyen Âge et histoire de France (2018), l’historienne Zrinka Stahuljak explique par exemple que l’amour courtois au Moyen Âge était une invention des commentateurs du XIXe siècle, une relecture partiale en réponse à des enjeux politiques de l’époque, minimisant l’éros, les passions et la violence pour structurer la nation française. On a retenu une parcelle seulement du réel et cette parcelle imprime ses effets encore aujourd’hui. La manière dont le XIXe siècle a raconté le Moyen Âge a joué un rôle majeur « dans la constitution de la nation et de l’empire, et dans la définition de la race, de l’hygiène, du mariage et de la famille ». Chaque époque fait retour sur l’Histoire pour y prélever les signes de ce qu’elle désire voir surgir au présent et le passé imprime également en réponse sa marque sur lui.

 

Le sang colore l’installation de Manon Tricoire, or Zrinka Stahuljak explique « que le sang était au Moyen Âge un concept psychologique, et non physiologique, la théorie de l’hérédité rendit au XIXe siècle le champ sémantique du ‘sang’ exclusivement médico-biologique ; l’hérédité était ainsi un concept bien plus étroit que la généalogie médiévale, qui ne dépendait pas seulement des liens physiques du sang, mais aussi des liens psychologiques. »

 

J’entends ici le désir de Manon Tricoire de déployer une généalogie médiévale psychologique non fortuite sur une même table de dissection. Le cœur du cœur de l’écrin. Les figures de femmes convoquées par l’artiste forment une constellation qui s’adresse à nous depuis le passé et questionne leur persistance rétinienne au présent. Comme l’exprime la poétesse Anne Kawala qui avait été invitée par la Maison de la poésie de Nantes à écrire un livre en réponse à l’écrin en or du cœur d’Anne de Bretagne, à la manière dont l’objet sacré, à la fois emprisonne le cœur et annule la violence de son arrachement et des procédures médicales qui ont conduit à son exposition : « la préparation du cœur disparaît il faut l’inventer ».

Emilie Notéris

Galerie Carrat