Actes-textes

Justin Delareux

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Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés
Justin Delareux, «Actes-textes», photographie : droits réservés

Actes-textes

Actes-Textes
2010/011/012/013/016
http://www.justindelareux.fr

Acte-texte est une suite de tentatives, une réponse aux nombreux questionnements relatifs à la matérialité de l’écriture et à la situation du Poème au monde. Substituer à l’illusion du Poème comme nécessité absolue la réalité littéral d’une expérience. Il s’agit là de concentrer l’objet de l’écriture et l’écriture de l’objet, le lieu de l’écriture et l’écriture du lieu. Ce mot-valise réfutant la séparation du texte et du geste, m’est venu après avoir commencé une suite d’interventions contextuelles liant écriture, action et prise de vue. J’ai débuté ce travail en 2010, de manière intensive entre en 2010 et 2016. L’idée était de déborder le carnet en plaçant l’écriture en dehors du livre, de rendre l’écriture public par un geste de publication hors-pages. Mais cette écriture devait toujours être située, n’être ni politique ni poétique, toujours entre et à lieu. Alors, dans un contexte précis, une phrase était faite, au regard d’une réalité littérale et des histoires-lieux de mes errances. La photographie est considérée ici comme document, seul reste témoignant du geste. Il s’agissait aussi et parallèlement, durant toute cette période, de proposer une sorte de nouvelle forme de pratique de l’écriture, de dépasser les pratiques militantes habituelles en investissant le sens et la forme de chaque projectile.

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Dire, inscrire, agir. Exempla ( © Michel Cegarra / mai 2016 )

(…) L’hypothèse – comme dans les Actes-Textes – selon laquelle c’est la perte elle-même qui, à partir de son abîme, construit cette avalée du monde, semble à retenir. (…)

Qui écrit sur les murs des ruines, les wagons de train abandonnés, les déchets, les rochers, les sols maculés de taches, les maisons désertes ? Cette “écriture hors page, contextuelle”, est semblable à la voix de l’oracle : elle ne raconte ni ne décrit, elle dévoile. Elle montre quelque chose qui advient et qui pourtant est déjà là. Que nous ne voyons pas. Elle nomme une réalité, désigne une situation accomplie. Que nous ne savons nommer en dépit de sa trop grande proximité. “Les portes fermées du monde”, “spectacle”, “l’école est finie”, “démissionner”, “manier, “désister”, “l’art fait patienter les bandits” …

Fragments de messages inaudibles, signaux d’alerte, balises de mots emportés par le vent. Justin Delareux s’introduit à pas de loup dans les lieux perdus, les zones d’entropie. Il traverse comme une ombre les non-lieux où résident les blessures du temps, les marques du grand délestage de civilisation que le capitalisme à son stade actuel – sans politique autre que l’hystérie financière et la névrose sociale – étend partout comme un laisser mourir généralisé. Et dans ces lieux de rétractation le poète inscrit du doigt une phrase, un mot. C’est l’incision dans le torrent des gravats, la marque d’une parole qui ose les exempla et récuse le détour et le découragement.

Être là, y pénétrer en franchissant les déblais, énoncer ce qui a lieu, désigner la dislocation comme politique essentielle des pouvoirs. Justin Delareux retrouve ici, relance à vrai dire, le genre de l’exemplum (4) qui, de l’antiquité à Dante et au-delà, témoigne de la présence au monde du poète qui nomme les choses et les lieux, interroge la communauté, les passants : qui a ″fermé les portes du monde″ ? De quel ″spectacle″ désire-t-on que nous soyons asservis ? L’école du savoir devrait-elle ne plus faire sens, être ″finie″ ? Au nom de quoi devrions-nous ne pas ″démissionner″ ? Qui pourrait nous refuser de ″manier″ le réel, de l’ouvrir à notre investigation ? De quoi devons-nous nous ″désister″ ? Notre art pourrait-il n’être qu’une issue de secours ou un camouflage pour les ″bandits″ destructeurs ?

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4. Ce motif de l’histoire littéraire traité par Erich Auerbach puis Carlo Ginzburg à propos de Dante (cf. “Auerbach et Dante, quelques réflexions”, in Po&sie n° 133, 3e trimestre 2010), est abordé sous un angle vif par Walter Benjamin dans ses thèses sur le concept d’histoire : “… de tout ce qui advient jamais, rien ne doit être considéré comme perdu pour l’histoire. Certes, ce n’est qu’à l’humanité rédimée qu’appartient pleinement son passé. C’est dire que pour elle seule, à chacun de ses moments, son passé est devenu citable. Chacun des instants qu’elle a vécus devient une citation à l’ordre du jour –et ce jour est justement le dernier” (Sur le concept d’histoire, 3e thèse, 1940. Ce que nous soulignons était écrit en français dans ce terme ultime de Benjamin). De fait, comme l’historien, le poète Justin Delareux cite à comparaître les fragments de la dislocation qui se déroule sous nos yeux comme autant de ruines devenues d’emblée citables par des “Actes-Textes”.

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texte complet : http://www.justindelareux.fr