Le travail spécifique qu’Annie-Laurie Le Ravalec présente à l’atelier de l’ERBAN a la particularité de ne pouvoir entrer dans une catégorie précise : les objets sont présentés sur le corps d’un modèle comme les vêtements durant un défilé. Cependant, ce modèle-ci ne défile pas, mais est présenté sur un plateau tournant, comme un objet.
Les objets dont ce modèle est paré (qui par ailleurs tiendraient plus de la sculpture que du vêtement), se définissent donc par leur manque de spécificité.
Doit-on les montrer ainsi sur le corps nu d’une femme, ou autrement ?
L’artiste se refuse à choisir. C’est que la tyrannie de l’accrochage héritée des années 80 n’a guère plus cours chez les jeunes artistes. C’est aussi que l’impact plastique de ces formes rondes, sensuelles, immaculées se suffit à lui-même.
Dans un temps où l’on se met à formuler (et dans les milieux peu soupçonnables, d’être réactionnaires) un discours de réhabilitation de l’idée de « beauté » dans l’art, mise à mal depuis pas mal de temps, il n’est pas inintéressant de voir que de jeunes artistes, rompus à manier l’art sans aura, l’art attitude et du comportement, produisent des formes dont la visibilité et la sensualité s’imposent d’emblée dans la catégorie du beau.
On se souvient de l’image iconique parue dans Technikart (calendrier publié par la Zoo Galerie) : Annie-Laurie Le Ravalec, enceinte, le ventre rond, ceinte des formes rondes qu’elle a créées, mettait en rapport la chair avec la sculpture, les créations de la nature avec celles des artistes, l’espoir des nativités avec celui de l’invention, l’annonciation à la vierge avec Joséphine Baker, Aristide Maillol avec Vivienne Westwood…
Une franche désinvolture utilisant l’ironie et l’humour pour poser des questions esthétiques, éthiques et même sociales autrement plus sérieuses.
Communiqué de presse par Patrick Raynaud / Défilé-action « Les obnubilations de la Bibendame ». 1999. Nantes.