Du dessin au volume
La pratique graphique d’Hélène Delépine alimente la conception de ses volumes en céramique. Le travail préparatoire consiste, pour elle, à exécuter des croquis sur place, en extérieur, face à des constructions. Ses dessins au trait, linéaires, constitués de lignes droites, horizontales, verticales ou diagonales révèlent une forme architecturale, le pourtour d’une façade, la forme d’un toit, d’une ouverture. Elle s’attache uniquement aux lignes de construction et aux proportions du monument sans relever aucun détail architectural. À partir de ces points de vue dessinés en perspective frontale ou cavalière, elle réalise des édifices en terre à une échelle réduite. Sculpter un matériau comme la pierre, c’est enlever de la matière à un bloc plein. En céramique, modeler l’argile, c’est ajouter de la matière au fur et à mesure que l’objet s’élève autour d’un vide. L’argile, grâce à sa plasticité, se malaxe et prend forme. Le fait que la terre, de consistance molle, une fois cuite, devienne aussi dure que la pierre intéresse Hélène Delépine. Cet aspect minéral la conduit à élaborer des volumes architecturaux de forme géométrique simple, façonnés avec des plaques de terre. Les dessins alimentent les lignes de structure et les proportions de la future sculpture. La sobriété des constructions est renforcée par une économie de détails et valorisée par le relief, la profondeur et la lumière. Le répertoire de formes architecturales ainsi créé incite à une réflexion autour du bâtiment banal ou patrimonial. Pour mieux révéler le réel, l’artiste en construit des formes abstraites.
« Acheminement vers la prise de conscience d’une forme, le croquis est à la fois subjectif et concret. Le format sur lequel il se développe est forcément réduit, à l’échelle de la main. Ce format suffit à nous procurer une idée d’ensemble forcément inachevé, le croquis agit à la façon d’un appel » — René-Jean Clot, L’Éducation artistique, Paris, P.U.F., 1958, coll. « Nouvelle encyclopédie pédagogique »
Construction et vestiges
L’univers des cinq artistes de l’exposition confine autour de la notion de vestige, qui, en latin « Vestigium », signifie « la trace de pied ». On songe à cette allusion à l’empreinte, trace laissée par un corps pressé sur une surface, dans le modelé des oeuvres de Valérie Delarue. On retrouve aussi l’idée de vestige dans les architectures, traces d’une histoire que l’oeuvre Bérengère bâtit. Ghislaine Vappereau qui associe le mélaminé, matériau industriel, à la céramique, revisite les vestiges de l’époque moderne des années 1940/1980 où cohabitaient des revêtements de cuisines modernes avec les pots en faïence de grand-mère. Le grès chamotté utilisé par Hélène Delépine produit des imperfections de surface, un aspect minéral et contribue à la création de vestiges factices. D’apparence inaccomplies, comme en sursis, les oeuvres d’Hélène Mougin, très organiques se décryptent comme des arrêts sur image, des états transitoires, des vestiges vivants. Enfin, c’est par le mouvement des images qui se construisent et se déconstruisent que le dessin devient vestige fugitif avec Richard Negre.
Clotilde Boitel, octobre 2023
Textes extraits du catalogue édité à 500 exemplaires par l’Établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre, novembre 2023, ISBN 978-2-491482-14-5, EAN 9782491482145
Les oeuvres présentées à l’occasion de cette exposition ont été produites grâce au soutien de l’association Le MUR et l’ADAGP pour Lumières aveugles, du centre d’art contemporain de Meymac, Abbaye Saint-André pour Abbismuth, de la Région des Pays de la Loire dans le cadre d’une résidence à l’abbaye royale de Fontevraud pour L’éphémère et l’éternel