Texte extrait de « Partir d’un endroit où l’on n’arrive jamais. » par Emilie Renard
[…]Passer de l’optique numérique à la spatialisation physique.
L’intention d’inventer de toutes pièces un endroit inédit se précise. Elle requiert d’en créer l’illusion et d’en produire une imitation presque parfaite. Vincent Mauger entreprend alors de planter le décor de cet espace sans titre. Il commence par sa surface crue et crée un paysage sans profondeur, à survoler. Ce paysage d’abord numérique, passe dans la dimension physique. Il le met ainsi à l’épreuve du matériel et en limite l’étendue. Puis le passage de l’une à l’autre des dimensions se fait indifféremment, mais le modèle numérique prévaut sur toute formalisation spatiale. Les conventions de l’espace virtuel déterminent le choix des matériaux et le mode de construction de l’espace réel, ce dernier en constituant simplement une transposition par imitation, une version figée mais cohérente.
(sans titre, 2002)
Une image de synthèse est transposée au format sculpture. Initialement, il s’agit d’un paysage de dunes jaunes avec une fine bande de ciel bleu. Le dessin numérique, avec sa texture hachurée imitant un coloriage fait main et sa composition binaire, ressemble à un dessin d’enfant d’un désert imaginaire et lointain. Passé au format sculptural, le paysage devient un décor extrêmement stylisé. La sculpture en bois, aux courbes parfaites et régulières, a l’aspect typique des représentations numériques en trois dimensions dont le squelette aux lignes fluides n’aurait pas encore été recouvert de la texture qui lui donnerait corps. Cette architecture de dunes montée sur pilotis est pénétrable, on peut s’y glisser sans jamais découvrir plus d’épaisseur ni de détail à ce décor flottant. Dans ce fouillis de lignes, les procédés matériels pour figurer la troisième dimension virtuelle ne perdent rien de leur pouvoir d’illusion optique. Une fois passées dans l’espace physique, les dimensions du paysage sont seulement limitées par celles de l’espace alentour.[…]