Ginette, 2008

Thierry Frer

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Thierry Frer, «Ginette», 2008, photographie : droits réservés
Thierry Frer, «Ginette», 2008, photographie : droits réservés
Thierry Frer, «Ginette», 2008, photographie : droits réservés
Thierry Frer, «Ginette», 2008, photographie : droits réservés

Ginette, 2008

Le Ring Nantes

– Les cahiers étalés sur la table.

– Le soufflement sourd de la climatisation.

– Mes pieds nus sur la moquette.

– La montagne rousse, derrière la baie vitrée, en automne, les pots de fleurs alignés sur la terrasse.

– Le « ding dong  » musical et limpide de la sonnette.

– L’apéritif, sur la table basse avec les voisins ou les amis, l’empreinte ronde et grasse des verres sur le marbre.

– Claude lisant son courrier, couchée sur le dos, à même le sol.

– Ma mère allongée sur le divan.

– Leurs conversations, le rire de Claude.

– La lumière tamisée, le soir.

– Les repas, dans la salle à manger, la musique, en sourdine, le cliquetis des couverts ;  l’argenterie, les assiettes en porcelaine.

– Ma mère téléhonant, assise sur un accoudoir du canapé, ses discussions interminables.

– La chasse aux mouches, avec l’embout de l’aspirateur, les insectes qui se heurtent aux vitres, affolés.

– Faustine s’activant dans la maison, l’odeur des produits d’entretien, le bruit assourdissant de l’aspirateur.

– Le chat effarouché, traversant rapidement la pièce pour se cacher sous un meuble.

– Les séjours d’Odette à la maison : le canapé-lit ouvert, les fauteuils entassés devant la porte.

– Les interminables monologues d’Odette.

– Laurent et moi, cachés derrière la porte entrouverte, pour l’observer, nos fou-rires.

– Les ronflements d’Odette, la nuit.

– Ma mère arpentant le couloir en chemise de nuit, sans lunettes, échevelée, ses soupirs exaspérés.

– Les colères d’Odette, ses départs intempestifs.

– Les visites de Laure, ses ricannements suraigus, sa voix traînante, ses vêtements élimés et son odeur de vieux cigare, ses crises d’hystérie.

– Mademoiselle Gréa attablée au salon, fumant une « Dunhill ».

– Sa voix douce, son parfum délicat, son regard bleu protecteur, ses jambes croisées.

– La baie vitrée ouverte, l’été, la chaleur , sur la rerrasse, la lumière aveuglante.

– Les après-midi passés à improviser des pièces de théâtre, avec Christophe et Isabelle.

– Le désordre,  dans le salon, les colères de ma mère, les reproches, rabâchés pendant des heures.

– Les visites de mon père, sa toux sèche.

– La fumée, flottant au dessous du globe du lampadaire.

– Les retours de Lyon, la nuit, les casse-croûtes, dans la cuisine, à trois heures du matin.

– Les dimanches matin, l’agitation, mon père pressé de repartir, les disputes.

– Ses déclarations grandiloquentes, ses gestes d’exapération théâtralisés.

– Le silence de ma mère après son départ.

– Le salon, encore imprégné de l’odeur de cigarette.

– Le lit défait.

– La lumière inondant la pièce, les particules de poussière flottant dans la lumière.

– Ma mère allongée sur le canapé, ses lunettes posées sur la moquette, les médicaments, sur la table de marbre.

– Mes fuites dans la montagne, les sentiers pierreux, le craquement sec du bois mort.

– Les coup de fusil, au loin, l’aboiement d’un chien.

– Le village, en contrebas, ramassé autour du château blanc.

– L’odeur de sève, les champignons sur les troncs.

– Le soleil, derrière les feuillages, le clapotis d’une source, l’air vif.