Durant cinq semaines, de fin juin à début août 2023, j’ai eu la chance de partir en résidence de recherche et de création à Beppu, au Japon. Lors de ce temps de travail, je me suis concentrée sur trois éléments : le textile, les habitants et le paysage de la ville.
Dans un premier temps, j’ai récolté des textiles auprès des habitants de la ville. Certains m’ont donné des draps, des vêtements et beaucoup d’entre eux m’ont donné des morceaux de tissus dédiés à la confection de kimono. Une fois les tissus sélectionnés, j’ai réalisé des peintures dessus à partir des boues rouges et des vapeurs des sources d’eau chaude présentes dans la ville. Beppu est une ville connue pour ses «onsens». Ce sont des bains publics construits autour d’une source d’eau chaude. De ce fait, la vapeur envahit la ville. Elle sort des bouches d’égouts, des fissures dans le sol, et des ruisseaux.
Au cours de mes recherches sur l’histoire du textile japonais, j’ai découvert qu’il existe de nombreuses traditions autour du linge de maison, tout comme en France. L’une d’entre elles a retenu mon attention : le Boro. C’est l’art de réparer et de mettre en valeur des matières usées, cassées et oubliées. Comme un pansement sur une blessure, le point sashiko permet traditionnellement d’attacher des pièces de coton ou de chanvre à l’étoffe mise au rebut. Cette pratique des Boro est apparue par nécessité économique et utilitaire et est devenue une forme de création par restriction. Ce qui n’était qu’un chiffon au départ disparaît et devient au fil des générations une œuvre d’art témoin du passé.
Une fois que tous les textiles étaient teints, je les ai assemblé à la main en utilisant le point sashiko, dans l’esprit de cette tradition du boro. L’ensemble constituait un grand patchwork prenant la forme d’une grande bande de plus de six mètres de longueur reposant sur deux morceaux de bambou.
À travers ce projet, des relations de co-création se sont mises en place entre moi, les habitants de Beppu et le paysage.