Eloge de la légèreté
Le rassurant de l’équilibre, c’est que rien ne bouge. Le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle pour faire tout bouger. Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes
Selon l’angle de vue, les lignes des contours courbes des sculptures touchent le sol en de rares points (Le Remblai), donnant l’impression d’un équilibre fragile et d’un possible basculement. La sensation d’extrême légèreté et l’élasticité des lignes renforcent cette perception. Les courbes généreuses des sculptures sont pourtant façonnées par la torsion de pièces d’acier. « Je n’ai jamais pensé ce matériau dans un rapport à la rigidité, au poids, à la masse, à l’impression de force. Ce qui est beau dans le métal c’est sa souplesse. J’aime arriver à apporter une légèreté visuelle à un objet qui ne l’est pas, et de presque faire oublier l’aspect physique nécessaire pour fabriquer ces formes. » Peut-on passer sous silence face à cette danse de lignes, que des tours de force d’une rouleuse ont été nécessaires à l’artiste pour obtenir du métal cette mobilité, cette souplesse ? Cependant le labeur disparaît tout à fait lorsque l’ensemble des œuvres nous fait face. La transparence, la liberté, la malléabilité de ce matériau ainsi transformé l’emportent sur la masse. Le vide triomphe sur le plein, la courbe supplante la droite, la légèreté prime. Les objets n’obstruent pas l’espace, on pourrait ne pas les voir. « C’est le vide entre les lignes qui fait prendre conscience de l’œuvre, de sa taille ».
L’espace même traverse les œuvres et révèle les accentuations de rythmes, les rapports de tension, la cristallisation des forces. Pensées pour ce lieu, les sculptures établissent un puissant dialogue avec les volumes de la croisée. La lumière zénithale y joue un rôle fondamental, la charpente et sa « voûte gothique qui rejoue une croisée d’ogives » instaure de nouveaux réseaux de lignes, le scansion des ouvertures cintrées installe une cadence régulière, mathématique. Par contraste Pierre-Alexandre Remy compose une installation flottante, ondoyante, mobile aux accords denses et composites.
Extrait du texte écrit par Vanina Andréani pour le catalogue de l’exposition