Cette installation est née en regard de la Galerie Renée de Bourbon, elle s’attache à son architecture, à son identité
sonore, à ce que l’on sait de son histoire. Installation visuelle et sonore, elle se veut imersive et c’est par le
passage du public qu’elle joue. La galerie Renée, édifice gothique du 16ème siècle au bras nord du transept
de l’abbatiale est située juste en dessous du logis sonneur.
Lors de ma première visite à l’Abbaye Royale de Fontevraud, je fus saisie par l’enchevêtrement de ces
édifices et comment est crée le récit de ses nombreuses strates de 1100 à aujourd’hui. Ce ne fut qu’ampli fié
lors de la résidence d’écriture. La visite de Julien Bertreux, qui sans cesse nous amène à regarder jusque dans
les détails, les différents niveaux de lecture que nous offre la restauration et la conservation. Hervé
Regignano m’a conduite au clocher, au logis du sonneur, et ces visites se tranformaient en enquête guettant
les traces du temps. Je suis fascinée par ce patrimoine monumental tel qu’il est composé aujourd’hui, ce qu’il
nous dis de notre contexte culturel mais aussi technique et scientifique. Cette restauration nous engage dans
l’imaginaire.
Pour cette résidence, mon attention fut capté par les cloches visibles sonores et tangibles. Très rapidement
j’ai eu envie d’en extraire la langue. Le battant dévoilé dans l’essence de son mouvement.
Pour observer le battant, j’utilise la technique de la chronophotographie inventé par Jules-Etienne Marey et
Muybridge. La chronophotographie désigne une technique photographique qui consiste à prendre une
succession de photographies à intervalles de temps réguliers permettant d’analyser le mouvement. Faire une
chronophotographie du battant c’est rendre visible l’invisible mouvement. L’arrêter, le mesurer, considérer
cet événement. Pour superposer ces images, Marey a eu l’idée de poser des bandes réfléchissantes sur les
membres du sujet le réduisant ainsi à des formes géométriques plus nettes et plus interprétables.
Cette image est révélée par le cyanotype, cette technique scientifique mise au point en 1842 par l’astronome
anglais John Frederick William Herschel. Le cyanotype conserve l’empreinte par simple contact avec l’objet
posé sur des supports préparés chimiquement. Cette chimie est possible grâce à l’exposition aux UV qui
permet le transfert. La trace laissée sur le cyanotype, celle évanescente du l’oscillation, ou encore celle
éphémère d’une oeuvre dans l’espace d’exposition sont mises en écho. Qu’est-ce qu’une trace ?
Les lés de tissu encadrent et invite au regard le battant allongé qui finit le mouvement. Il est couché sur sa
matière brute, l’acier. Il est mis en scène dans un dispositif muséal. A portée de main du visiteur, le toucher
est ampli fié. La création sonore de cette installation fait figure de légèreté, de fragilité. Activé par le
mouvement, le frottement, un son de vent est diffusé dans l’enceinte de la galerie, sculpté par son acoustique.
Les cloches sonnent les of fices, les cérémonies religieuses, mais aussi le temps, les alertes, la tempête, les
nuées…
Cette composition sonore fabriquée aux aléas du passage, conjure l’air qui s’engouffre. 13 sources sont
comme autant d’instrument. Si le son nous alerte il est une superstition qui agirait pour nous protéger. C’est
en convoquant cet imaginaire que la matière sonore prend son relief.
Blandine Brière.