Les nappes silencieuses, 2024

Claire Amiot

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Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton
Claire Amiot, «Les nappes silencieuses», 2024, photographie : Grégory Valton

Les nappes silencieuses, 2024

Installation de draps teints avec des végétaux (noix de galle de chêne, millepertuis, garance, bois de campêche), GPI (granulés plastiques industriels) L'Atelier Ville de Nantes Nantes Exposition du Prix des Arts Visuels de la Ville de Nantes commissariat Marie Frampier

Marie Frampier : Les questions écologiques apparaissent en filigrane dans ton processus de création mais aussi au travers des sujets et paysages que tu choisis de mettre en lumière. Quelle place accordes-tu à l’écologie dans ton œuvre et quel est, en tant qu’artiste, ton positionnement face à ce sujet éminemment politique ?

Claire Amiot : La question de la crise climatique et les enjeux écologiques qu’elle soulève, qu’ils soient sociaux, économiques, moraux ou environnementaux, ne peuvent pas échapper aux artistes et au milieu de l’art en général. À mon échelle, j’essaie d’inclure ces réflexions dans mon processus de création et dans l’origine des matériaux que j’utilise. Pour l’installation Les nappes silencieuses, les tissus utilisés sont des draps de seconde main, teints à partir de végétaux que je me procure auprès d’une Scop, qui cultive ses propres plantes tinctoriales. En octobre dernier, avec mon amie artiste Blanche Bonnel, nous avons pu constater l’étendue dramatique de la pollution au GPI (Granulés Plastiques Industriels) sur plusieurs plages en Bretagne. Grâce au soutien de l’association Surfrider, nous avons pu en récolter une quantité importante. De là, est née l’idée d’utiliser cette matière synthétique comme un élément pictural en soi, et de la faire dialoguer avec des couleurs végétales. Dans Les nappes silencieuses, un renversement s’opère. Les GPI, nuisibles dans notre environnement, deviennent ici ornements. Les expériences phénoménologiques des paysages que j’éprouve constituent le point de départ de mes recherches et réflexions. Que ce soit à travers la peinture, l’installation, le son ou la vidéo, je tente d’établir un dialogue onirique entre des matières ou des images issues de la nature, et des éléments artificiels. Je cherche à révéler les failles et les souffrances de nos paysages en créant des formes contemplatives et en jouant avec la sensualité des matériaux qui sont les miens.

M.F : Les nappes silencieuses est une installation immersive, à la fois textile, vidéographique et sonore, pensée spécifiquement pour le patio de l’Atelier. Tu crées un environnement total que le regardeur-marcheur découvre progressivement, au travers des tissus suspendus, guidé par le son de la vidéo située en arrière-plan. Tu travailles de plus en plus dans des échelles monumentales, qui permettent à tes toiles et installations de surplomber ou d’envelopper le visiteur. Entre déambulations des corps et mouvements textiles, diversité des médiums et approche immersive, conçois-tu tes œuvres comme la proposition d’une expérience à vivre ?

C.A : Toute œuvre propose une expérience à vivre. Ce que je fais avec cette installation, c’est d’abord construire quelque chose à partir d’un espace manifeste qui se caractérise par son architecture et sa fonction, celle d’accueillir un public venant voir des expositions. Je pourrais aussi parler de relief et de vivant. Dans cet environnement qui préexiste, je viens créer une « œuvre milieu » autrement dit, un ensemble d’éléments matériels et de circonstances sensorielles qui entourent et influencent le visiteur. Concrètement, cela passe par l’image fixe et vaste des draps peints, les variations d’intensité du son et de la lumière, le mouvement distancé de la vidéo, les ondulations du tissu selon les déplacements des corps et les formes presque imperceptibles des GPI. En arrière-plan, il y a l’envie d’aller à l’intérieur de la peinture, de littéralement pénétrer son image et d’arpenter son paysage. Voilà l’expérience à vivre que je propose : éprouver le paysage de la peinture. Le corps du visiteur et ses déplacements y ont leur place. Alors, se pose la question de savoir ce que, dans cette relation intersubjective entre elle et nous, la peinture a à nous dire.

M.F : Le personnage de ta vidéo apparait dans un costume relativement ample et le visage enfoui sous un amas de lés de tissus. Son identité est mystérieuse, son attitude est étrange. Tu présentes aussi un foisonnement de micro-billes plastiques, posées, alignées, tapies sur l’escalier de l’Atelier, comme l’indice d’une narration plus large. La fiction est-elle un aspect de ton travail, encore discret, que tu aimerais développer ?

C.A : Habituellement, je laisse le visiteur se raconter sa propre histoire à partir des images que je compose. L’exposition Révolution d’un seul brin de paille est pour moi l’occasion de mettre en lumière les nouveaux indices d’un schéma narratif que je construis au fur et à mesure du temps. Que ce soit par la présence du personnage dans la vidéo, sa trace dans l’escalier ou par le mouvement des tissus dans l’installation, le fil de l’histoire se construit autour de l’idée que la peinture est vivante. Si je considère que la peinture est vivante, qu’elle se regarde et qu’elle nous regarde, que perçoit-elle alors ? Quel est son « monde de la vie » ? Que nous dit-il du notre et sous quelles formes ? La peinture est une entité qui a traversé le temps, l’Homme à ses côtés. Entre le réel et l’imaginaire, elle a longtemps été le principal moyen de représentation de ce qui nous entoure. En un sens, elle a presque tout vu. La personnifier est une manière pour moi de jouer avec ses codes et son histoire (la peinture de paysage, le romantisme, les drapés, l’abstraction) pour mieux soulever les problématiques qui me touchent, de nos paysages contemporains.