Le quartier de Bellevue, à cheval sur les villes de Nantes et Saint-Herblain, est souvent représenté visuellement par ses immeubles, et ses boulevards. Les photographies anciennes nous montrent sa construction. Sortis des champs, les grands ensembles poussent le long de tracés larges et rectilignes. Pourtant, à l’arpenter depuis plusieurs mois, j’observe que la surface du quartier occupée par les maisons, par l’habitat individuel, est importante, et que souvent les habitations sont anciennes. L’image du quartier que l’on a de l’extérieur est donc fragmentaire et très orientée par les politiques publiques prioritaires qui en font sa réputation.
Alors s’agit-il de changer l’image du quartier par ce projet ? S’agit-il de lui redonner une échelle plus humaine, moins disproportionnée ? Si ces enjeux sont souvent liés à l’idée d’un projet artistique, tout comme les notions d’appropriation par les habitants et de déplacement du regard vers une réalité plus complexe, je crois aussi que quelque chose d’autre me pousse à photographier ces espaces. Le désir d’aller à la rencontre de ceux qui vivent dans ces maisons, de savoir pourquoi ils ont choisi ou ont été amenés à vivre ici. L’envie de les photographier, chez eux, dans leur habitat, leur quartier, dépasse justement l’idée de représentation de ce quartier. Il se joue, ici comme ailleurs, les mêmes principes d’attachement aux espaces du familier. D’une manière générale, la question serait : qu’est-ce que ça fait de vivre dans une maison ?
On ne peut nier le fait que l’on intervient à un moment charnière, que les images réalisées viennent fixer un état du quartier avant un bouleversement et une nouvelle densification. Du village de la Bernardière – où ceux qui résistent, vivent entre les maisons murées et démolies – aux Bourderies – où là aussi, entre fenêtres bouchées et démolitions, reste quelques petites maisons, tandis que des immeubles s’élèvent juste à côté – la mutation est visible, vivante. Elle semble nécessaire, pas toujours juste ou justement transmise et comprise, mais inévitable. Que peut alors l’appareil photographique ? Je serais tentée de dire : pas grand chose ! Faut-il s’associer aux revendications, constater, montrer ? Je voudrais simplement pouvoir dire avec les images, l’attachement. Peut-être alors photographier d’abord tel quel, le plus directement, le plus instinctivement possible. Puis chercher les endroits où se cristallisent ces impressions d’espaces vides et pleins, habités ou en devenir. Chercher comment dire le changement, et comment ce changement n’est pas obligatoirement négatif. Qu’il est un changement, simplement.
Projet en cours avec Valérian Denéchaud de l’association Vous êtes ICI.