Pour ma première exposition personnelle, Nuit de la Mer, j’ai présenté une installation dans laquelle les peintures se mettent en scène. Un décor de tissus bleu nuit sert de toile de fond à une série de peintures protéiformes. Du rebut au châssis entoilé, du tulle froissé à la monochromie d’un drap teinté, Nuit de la mer est une exposition dans laquelle la peinture se déploie, pour devenir une scénographie à part entière. C’est une fresque souple et aérienne, un ailleurs dédié à l’expérience sensible de la lenteur, à la poésie de la contemplation.
Nuit de la mer est un état des lieux d’une pratique expérimentale et empirique de la peinture, à travers laquelle j’explore la liquidité de la couleur et la multiplicité de ses aspérités face aux différents supports textiles. Dévoiler sa fragilité et ses imperfections par un frêle lambeau de toile, accumuler, diversifier les textures des tissus, jouer avec la lumière par l’omniprésence du drapé, sont autant de gestes que j’emploie pour exalter le caractère vivant de la peinture.
Des fragments de tissus colorés se rencontrent sur la surface du mur. Telle une fresque, ils composent une grande peinture abstraite. Chacun des morceaux de cet ensemble est le résidu, le témoin d’une étape du processus de ma recherche picturale. Il y a des rubans issus du recadrage d’une peinture, des chutes de tissu teintées puis nouées, des draps ayant servi comme torchons ou encore des outils qui m’ont servi à peindre, comme le baluchon. Tous ces éléments côtoient une grande toile centrale, sorte d’écran projectif, qui s’apparente à une radiographie de la peinture. Tout est disposé sur un même plan, les dénouements programmés aussi bien que les hasards heureux qui en ont résulté.
Seuls les tissus bleu nuit qui tapissent le mur n’ont pas été peints. Leur intervention a été appréhendée comme un fond. Cet arrière plan participe de la composition en s’écartant à certains endroits pour faire apparaître des peintures. À la manière de rideaux de théâtre, ils s’ouvrent, tombent au sol et se plissent. Ils transforment le mur en un espace de mise en scène. Personnifiées, les peintures semblent alors devenir les acteurs d’une pièce de théâtre en trois actes. Elles prennent vie dans ce décor dont elles-mêmes font partie et nous chuchotent leur propre histoire.