Voleur, un peu, infatigable marcheur et aventurier, surtout, Jean-Baptiste Janisset parcours la France et le monde à la recherche d’objets cultuels et patrimoniaux, de « témoins », dit-il, de ce qui fédère les espaces traversés : leurs histoires, leurs mémoires, leurs croyances. Avec ou sans autorisation, il les badigeonne de vinamold ou d’argile, pour en conserver les empruntes, qu’il appelle des « révélations ». Le geste est rapide, la prise imparfaite ; « ce que ces témoins veulent bien me donner ». De ces moules, enfin, Jean-baptiste Janisset réalise les positifs, des mues grossières, difformes. Des « stigmates », qu’il expose ensuite en des compositions syncrétiques, pop et colorées, associant là les pieds et un détail du mouton tirés d’un Saint Jean-Baptiste de la cathédrale de Nantes, des motifs de soleil venant d’une église à Bastia, une tête de lion prise à Marseille, des os de mouton moulés lors de la fête de l’Aid en Algérie (Saint Jean- Baptiste, 2018).
Des théoriciens comme Daniel Sibony ou Isy Morgensztern, en exhumant les fondements communs de religions diverses, opèrent des rapprochements, des conciliations. Jean- Baptiste Janisset l’incarne autrement : « Je crois à tout, assure ce dernier.
Ensemble, ces sculptures écrivent une histoire, un éveil syncrétique (…) Elles portent en elles le contexte de leur production et de leur circulation. Elles ne sont pas le résultat d’une appropriation culturelle mais d’échanges, de rencontres, dont elles sont la matérialisation. » Au Bénin, un prêtre du Fâ intervient systématiquement pour autoriser ses prélèvements. Au Sénégal il se prépare, dans le cadre d’un prochain projet et sur invitation d’un ami marabout, à prendre part au Magal de Touba, qui commémore le retour d’un chef religieux exilé par les autorités coloniales françaises au début du XXe siècle. « J’ai la volonté d’ouvrir des espaces », conclut Jean-Baptiste Janisset.
En France, il a pu le faire avec moins de précautions, et littéralement. Encore étudiant aux Beaux-Arts de Nantes, il s’est introduit sans autorisation dans le musée des Beaux-Arts en rénovation pour y exposer son emprunte monumentale du blason de la ville, telle une peau marquée par son passé colonial (Bonne et due forme, 2016). Dans la même ville, il a ouvert un squat devenu un artist-run space dynamique : le Mutatio. De moins en moins pirate, de plus en plus subtil, Jean-Baptiste Janisset n’en continue pas moins de manipuler totems. Et tabous.
Marine Relinger