LES VISITEUSES DU REEL
Elles ne jouent pas pour nous. Pour elles, nous aimerions des acrobaties extensibles, des manières indociles d’attraper nos jambes à leur cou, d’être en plein jour au milieu des plus généreux amours, d’aborder la nostalgie toujours très vite, de repartir comme transmutés, frôler la brûlure du conte. Elles jouent en tant que corps, pour elles, moqueuses parfois, inédites. Ce qui bouge grâce à elles, sur la terre ou dans le ciel, devant le bord de ce monde où nous guettons sans nous lasser des objets qui filent, nous nous en emparerons, rendant à ces derniers leur audace, imperturbablement. Il y a des exclamations qui font taire les esprits chagrins qui rôdent. Micha, Christelle, Sophie, Clémentine… ou comment souhaiter choisir des guides impatientes, éblouissantes et duelles ?
L’enfance, muette, ou à voix basse. Ce qui sépare à jamais. Ce qui est la vie même. Sophie Hurié s’écorche sur une fiction puisée dans ses propres souvenirs, elle recompose des lieux très précisément, construisant des maquettes dans lesquelles elle projette sur un voile des diapositives de sa propre enfance. Puis elle rephotographie ces scènes « fabriquées », l’informatique permettant des détourages ou des effets de réel saisissants. La couleur d’un rideau est par exemple restituée, la poignée d’une porte respectée. Pourtant, ce qui se diffuse ici, comme une signature lancinante, se trouve être du ressort du rêve, ce ressort énigmatique, où le feu est la teinte funèbre par excellence, où des fantômes semblent traverser les murs, dans l’élan d’une annonciation. Ne pas oublier, ne pas mourir. Garder intacte la beauté de ce qui nous aveugle.
C’est à de véritables visiteuses du réel que l’exposition ouvrait ses portes, des visiteuses invitées par l’un des leur, et qui choisissait un titre tout autant malicieux qu’elles « Retouche with me », manière de dire sans dire, histoire d’échapper au scénario un peu trop prévisible.