Pliage Ultra Technique, 2008

Vincent Mauger

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Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Pliage Ultra Technique», 2008, photographie : Vincent Mauger

Pliage Ultra Technique, 2008

Frac des Pays de la Loire Carquefou dans le cadre des Instantanés présentés dans la salle Mario Toran, commissariat Laurence Gateau

Les œuvres de Vincent Mauger développent des logiques paradoxales. Etudes liées à l’espace, au volume, à l’architecture, elles s’incarnent en installations in situ, objets-sculptures autonomes, déploiements graphiques ou projections vidéo. Elles ont toutes en commun cette capacité à osciller entre plusieurs référents, entre plusieurs problématiques de représentation.

L’un des enjeux de ce travail se situerait précisément entre matérialisation et dématérialisation de l’objet. Lorsque Vincent Mauger recouvre d’une croûte de sel deux jouets métalliques, il cherche à forcer ainsi l’apparition de leur structure. Des tâches d’oxydation imprègnent la surface du dispositif, elles manifestent l’objet et organisent métaphoriquement son évasion, la révélation de ses lois internes. Paradoxalement, elles sont la marque même de sa disparition.

Plus récemment, Vincent Mauger propose des va-et-vient constants entre construction volumineuse (plaisir d’exploration du matériau, défi du chantier parfois monumental) et légèreté virtuelle. Dans les effusions numériques de notre ère contemporaine, il réintroduit du jeu, couplant  une dimension plus primitive, un imaginaire plus artisanal à la sophistication des logiciels 3D.  L’installation Sans titre 2007, présentée en 2008 à la galerie LH, confirme ce pouvoir d’hybridation : des lignes souples sculptent la surface alvéolaire de tubes PVC assemblés verticalement, et cet ensemble convoque instantanément son double modélisé, sa représentation virtuelle. Le système de construction (basé sur la multiplication, le foisonnement) permet de poursuivre mentalement la pièce, d’en imaginer les prolongements bien au-delà du lieu d’exposition, dans une dynamique de l’expansion et de l’envahissement.

Ce mouvement entre objet fait-main et forme conçue par ordinateur se retrouve dans les dessins de l’artiste : « Dans tous mes travaux graphiques, je travaille à créer un trouble entre l’utilisation des techniques numériques et des techniques traditionnelles. Mon objectif n’est pas la surenchère technique rendue possible par l’utilisation d’outils informatiques. Il consiste à construire un rapport critique vis-à-vis de ces outils, à entretenir cette distance dans le malaise créé par la difficulté à les distinguer. En effet ces deux univers se confondent, s’ajoutent ou se superposent dans chacune de ces productions. » Cela donne, dans la série des dessins Sans titre 2006, des griffonnages sur papier d’une texture proche du coloriage, des esquisses veloutées, des étendues de paysage fragiles qui cependant sont trop parfaites. Car les accidents, tremblements et autres irrégularités sont ici subtilement retramés par l’outil numérique, qui analyse la ligne sans pour autant la déshumaniser. Et l’on devine l’artiste amusé par ces équilibres étranges, ces jeux de « facettage » du réel qui savent abstraire et incarner dans un même mouvement.

Certaines installations s’affranchissent davantage de la référence aux logiciels de vectorisation. Les images qu’elles font surgir demeurent indécises : à l’exemple de ce paysage de papier où le relief montagneux rejoint la surface de la mer, fragmentée à l’infini (Sans titre 2006, installation in situ à la Chapelle du Bélian, où Vincent Mauger emplit l’espace de feuilles A3 froissées en boule) ; ou encore ces machines rétro-futuristes improbables pour voyages à démonter le temps et accélérer l’espace (Gravity is dead, où un escalier hélicoïdal s’enchasse tautologiquement dans un dispositif complexe de rotation ; Hardrocking chair extreme, où une chaise à bascule mutante peut effectuer une révolution à 360°).

Bouleversant souvent les échelles et les usages, les objets-sculptures de Vincent Mauger tracent ainsi dans leur sillage des pistes d’interprétations multiples. Autant d’espaces, mentalement habitables, offerts au visiteur comme des rêves en suspens.

Pour le Frac des Pays de la Loire, Vincent Mauger conçoit une exposition où toutes les pièces « jouent » au sol. Une installation d’angle (un repère orthonormé comme on en trouve dans tous les logiciels 3D pour repérer où se situe la forme modélisée) affirme clairement le désir de virtualiser l’espace d’exposition, et de faire basculer le visiteur dans un système de représentation à l’échelle presque démesurée.

Proche de ces coordonnées qui déstabilisent en douceur, une surface happe le regard par ses couleurs électriques. Ondulante, elle pose légèrement ses incurvations au sol, comme en flottaison. Dans cette construction empirique, réalisée sans schéma ni modélisation antérieurs, Vincent Mauger expérimente le plaisir d’un principe de composition simple. Le module fondamental (la gaine PVC traditionnellement employée en plomberie) est utilisé ici comme une sorte de brique, un lego. Il reste très identifiable, ne subissant d’autres transformations que le découpage en sections et le collage. Cet assemblage basique, complètement artisanal, flirte cependant avec l’idée que « l’ensemble ait l’air numérique », rejoignant alors la qualité d’une surface virtuelle hybride, un fragment de paysage, un agglomérat effervescent, un maillage textile, une colonie coralienne. Là encore, Vincent Mauger manipule les échelles, s’amuse du poids de la répétition, cultive les franges irrégulières d’une œuvre potentiellement proliférante.

Autres sculptures paradoxales : ces quatre architectures métalliques, qui combinent une forme originelle aléatoire (un galet déformé en 3D) avec une ossature industrielle, dont les tranches évidées rappellent l’aspect de certaines pièces mécaniques. Proches du dessin à main levée, la découpe imparfaite et les arrêtes tremblées contredisent pourtant l’impression d’ objets pensés et usinés de façon industrielle. La perception duelle de ces formes et de leur charpente rejoint sans doute une problématique déjà évoquée à propos du travail de Vincent Mauger : un espace de pensée entre matérialisation et dématérialisation de l’objet.

La vidéo présentée dans l’exposition s’insère exactement dans cet espace mental : l’écran posé comme une loupe focalise l’attention sur un détail, et ce fragment d’architecture passe soudain du tangible à l’intangible. Mollesse, ondulation, liquéfaction. En écho direct à son installation orthonormée, en contrepoint formel aussi, Vincent Mauger s’amuse à faire vaciller nos repères. Et cultive avec des moyens simples de grandes sensations mirages.

Eva Prouteau