Puzzled
L’exposition «Puzzled» présente la dernière mouture du travail singulier de Chimène Denneulin. Elle se compose d’anciennes pièces, de six nouvelles compositions produites spécialement pour l’exposition, tout comme la bâche photographique visible depuis la rue et les compositions géométriques couleurs issues de son processus de travail.
Nous savons tous ce qu’est un puzzle. Mais que veut donc dire «puzzled»? Eh bien les traductions sont multiples (comme souvent) et polysémiques, ce qui déjà semble conforme au travail de l’artiste. Par «puzzled», on peut entendre: confus, déroutant, incertain, perplexe, perdu, mélangé, sans indices précis, et même encore déconcertant. C’est la première partie du travail de l’artiste. La deuxième partie fait intimement référence à l’action de réaliser un puzzle, à l’acte qui nous fait construire une image à partir d’éléments épars et dispersés. Les éléments du puzzle étant, pour l’artiste, la somme des images photographiques réalisées depuis parfois des années, images documentaires qui deviennent le matériau de base de l’oeuvre en construction.
Mais qu’est-ce qu’une image documentaire photographique? Définissons-la simplement comme une image qui nous donne des informations. Et quel est le travail de l’artiste? Disons une forme de collage dont les outils sont: l’extraction, la découpe, la juxtaposition des formes, le travail sur l’aplat, la désignation des couleurs. Ce travail est le résultat d’un long processus, humain et artistique. Il n’est pas le fruit d’une réflexion conceptuelle ex nihilo, mais celui d’une pratique et d’une observation. Pratique constante et sauvage de la prise de vue photographique, à chaque occasion, à chaque voyage, à chaque rencontre. Pratique de l’ordinateur et de ses logiciels, comme un peintre qui compose une image avec les outils du graphiste. Mais c’est l’observation du monde qui nous entoure, par le biais du cadre de la photographie, associée à l’observation de notre monde contemporain, celui des images, qui forme le terreau de ces récents travaux.
Chimène Denneulin travaille comme les DJ’s d’aujourd’hui. Mais ce qu’elle produit ce n’est pas simplement du sample — du nouveau verbe sampler issu du mot qui désigne l’objet permettant l’action. Car si Chimène Denneulin sample effectivement ses images, c’est étymologiquement. Le verbe original anglais nous donne une vision assez juste de la base de sa méthode. Selon les dictionnaires en ligne (le mot semble trop récent pour mon édition du Robert en six volumes) sampler signifie échantillonner, ou alors enregistrer un échantillon.
C’est exactement ce que fait Chimène Denneulin. Ou plutôt, c’est exactement une partie du travail effectué par elle. D’abord elle échantillonne. Et elle le fait doublement puisque non seulement elle sélectionne, découpe une forme précise, aux contours issus du réel rencontré dans son acte photographique initial, mais ensuite elle lui désigne une couleur.
Erick Gudimard