Super loops, 2009

Vincent Mauger

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Vincent Mauger, «Super loops», 2009, photographie : V.M.
Vincent Mauger, «Super loops», 2009, photographie : V.M.
Vincent Mauger, 2009, Super loops, Emap, Cholet, photographie : Vincent Mauger
Vincent Mauger, «Super loops», 2009, photographie : V.M.
Vincent Mauger, 2009, Super loops, EMAP, Cholet, photographie : V.M.
Vincent Mauger, 2009, Super loops, EMAP, Cholet, photographie : V.M.

Super loops, 2009

EMAP Cholet commissariat Carole Rivalin

Extension du domaine de la boucle

Figures supposées plutôt qu’imposées, les productions de Vincent Mauger ont pour habitude de développer une logique du glissement et du décalque qui fait apparaître des séries de mondes manufacturés. Entrant en résonance avec la manière d’habiter un environnement, les œuvres de l’artiste participent de la mise en écho et  de l’effet boucle généralisé. Territoire des translations et des équivalences, Vincent Mauger aime combiner l’usage de matériaux bruts et les emprunts à l’infographie 3D, comme une expérimentation relevant du mode analogique et du dérèglement de fonctionnalités.

Intitulée Super loops, l’exposition à la galerie de l’école municipale d’arts plastiques de Cholet exacerbe les renversements de dimension et de géométrie, les déplacements de perspective et de points de vue. Bricolage hétérotopique, Super loops explore et brouille les pistes quant aux relations entretenues entre des ensembles matériels, l’esthétique de l’esquisse et l’image d’univers dépliés. Dans le cadre d’un réel répercuté et diffracté, si Vincent Mauger manie l’esprit systémique, c’est à la façon de pieds de nez successifs.

A l’instar d’artefacts leibniziens, les installations de Super loops se présentent dans une perpétuelle ambiguïté entre prolifération suggérée et expansion allusive. Parce qu’elles questionnent la perception et le regard, ces structures complexes et ouvertes tiennent du moment arrêté ou du défilement sans fin.

La vidéo projection s’organise dans une superposition entre lignes multicolores se dessinant, la focalisation zéro de la caméra, et un oeil semblant suivre le mouvement du stylo et de ses circonvolutions. L’emploi du spirographe s’explique par l’intérêt de l’artiste pour les différentes méthodes de représentation, ainsi qu’une appétence pour les manifestations de l’aléatoire et de la rature. Marqueurs des possibles et des virtualités, la feuille de papier et la table de travail constituent autant de références à l’idée de matrice que Vincent Mauger décline, transforme et recompile.

Confectionnée à partir d’équerres métalliques montées les unes aux autres, la construction posée au sol, hésite entre le moteur mécanique et la cité de fer futuriste en miniature. Clin d’œil au registre de la science-fiction, cet agrégat d’éléments évoque la donnée fractale et les atmosphères des vignettes de  Schuiten et Peeters. Mixages de codes et de transpositions intermédiaires, l’artiste manipule les contraintes spéculatives, pour élaborer des réalisations en état de projet constant.

Fruit d’un décalage avec son contexte, la sphère de l’autre salle, conjugue le noyau vide, les armatures équivoques et la bande dessinée dans l’espace. Bobine massive au déroulé fantasque, la frise de chantier donne à ses ondulations de pelote, les courbes d’une pellicule de cinéma géante.

Ces dernières années, le travail plastique de Vincent Mauger s’est notamment remarqué à travers une pratique du all-over mêlant dessin technique et gros œuvre, surfaces sérielles et découpes abrasives. Entrecroisant reliefs mutants et vestiges de reproduction graphique, ses dispositifs se caractérisent par une aptitude à générer le sentiment de propagation et d’envahissement d’un espace. Architectures interlopes, ces paysages low tech éprouvent les configurations mentales et sensitives de l’endroit dans lequel ils prennent place.

Lieu d’imbrication entre techniques archaïques, outils et imageries numériques, les pièces de l’artiste se distinguent par une économie de moyen revendiquée et participent d’un double mouvement : déconstruire l’artifice par la répétition de procédures basiques ; créer une tension entre ellipse temporelle et fiction à destination du spectateur.

Monades célibataires, fragments d’une iconographie fantôme, ces objets en suspens n’ont de cesse de s’envisager comme des instances agençant des images rémanentes. Modélisations physiques et ludiques,  les sculptures modulaires de Vincent Mauger relève plutôt du domaine du sensible et de l’intuitif que de l’art minimal. Séquences faussement quantiques, ces polyèdres replicant  proposent des animations immobiles et des visions atomiques. « Les images visionnaires animent, font vibrer de l’intérieur la rationalité géométrique. Toujours, de manière sous-jacente, elles tendent à son éclatement. Elles sont perpétuellement en lutte contre cet « espace contraint » (Panofsky) qui pourtant en a rendu possibles les apparitions. »1

En décrivant des trajectoires de rêveries comme autant de formes d’errances, programmatique et allégorique, Super loops invente une science des volumes et des perturbations qui bousculent les formats : une aire de jeu inédite dont les ballades sensorielles et les supports de projection en seraient les grandes attractions.

  1. 1. Guy Hocquenghem, René Schérer, L’âme atomique, Albin Michel, 1986.

Frédéric Emprou